(trouvé à La Vouivre)

Rimes fanées, Éditions de la Renaissance de l'Occident, 1921
(poèmes précédés d'une lettre de R. de Gourmont)


71, rue des Saints Pères,
Dimanche.

Cher Poète,

Je suis heureux d'avoir de vos nouvelles et de voir qu'ayant trouvé un refuge, vous avez pu reprendre vos travaux.

Soyez tranquille, vous retrouverez tout. La Belgique renaîtra et refleurira. Toutes mes sympathies vont à vous dans ce moment cruel. Mais je vois que vous ne désespérez pas. C'est bien. Vous êtes jeune : croyez aux années futures.

J'ai lu vos vers, avec plaisir, et j'en ai goûté le sentiment et le tour original. Ce sont de petits poèmes de vraie poésie et d'art très pur que vous nous donnez ainsi. Je ne vous ferai point d'autres compliments : Que votre joie soit dans votre œuvre !

Je vous remercie et je souhaite à votre livre bon accueil parmi ceux qui aiment encore un peu la poésie...

Bien cordialement à vous,

REMY DE GOURMONT.


LIMINAIRE

O mon feuillet, plus beau que le marbre et l'ivoire

où le ciseau peut se briser,

c'est parmi ta blancheur que j'inscrirai ma gloire

d'avoir vécu pour la Beauté.

Tu empruntes à la lumière

dirait-on sa lucidité,

et tu fais, sous ma main, — légère,

comme une feuille de clarté.

Va ! — tu n'as pas le poids de l'or

où l'orgueil met son insolence ;

et le frisson de ma romance

suffît à ton joyeux essor.