Elsie Masson : Walt Whitman ouvrier et poète, 385
Louis Le Cardonnel : Charles Guérin, poème, 405
Henri Potez : Denys Lambin et les femmes, d'après une correspondance inédite, 408
Henri Malo : La Guerre de Course : De la Piraterie à la Course, d'après des mémoires et documents inédits, 430
F. Caussy : La Leçon de Versailles, 460
Z. Hippius (J.-B. Sévérac, trad.) : ll est descendu, nouvelle, 480

REVUE DE LA QUINZAINE

Remy de Gourmont : Epilogues : Lettres d'un Satyre (II), 489
Pierre Quillard : Les Poèmes, 492
Rachilde : Les Romans, 496
Jean de Gourmont : Littérature, 501
Georges Polti : Littérature dramatique, 504
Edmond Barthèlemy : Histoire, 508
Georges Bohn : Le Mouvement scientifique, 513
Jean Norel : Questions militaires et maritimes, 517
Louis Le Cardonnel : Questions morales et religieuses, 523
Charles-Henri Hirsch : Les Revues, 528
R. de Bury : Les Journaux, 533
Paul Souchon : Chronique du Midi, 539
Henri Albert : Lettres allemandes, 543
Henry-D. Davray : Lettres anglaises, 548
Ricciotto Canudo : Lettres italiennes, 554
Michel Mutermilch : Lettres polonaises, 559
H. Messet : Lettres néerlandaises, 564
Un Bibliomane : Variétés : Les Papiers d'Auguste de Châtillon, 568
Mercure : Publications récentes, 570

Echos, 572


LITTERATURE

J. Barbey d'Aurevilly : Lettres à une Amie 1880-1887 ; « Mercure de France. » — Jules Claretie : La Vie à Paris 1906 ; Fasquelle. — Firmin Roz : Alfred de Vigny ; Sansot.

La publication de la correspondance d'un écrivain apporte toujours quelque renseignement, quelque document, sur l'homme et sur sa vie, sur le secret de sa vie. Ces Lettres à une Amie, de J. Barbey d'Aurevilly, nous diront, outre la vie extérieure du vieux Maître en ses dernières années (1880-1887), son état d'âme et d'esprit. Son âme s'est calmée, simplifiée pour ainsi dire ; elle a renoncé à ce besoin d'étonner qui l'emplissait autrefois : « Autrefois j'étais fat, écrit-il, à présent je suis modeste, abominable sensation ! je l'ai maintenant presque toujours. C'est une expiation d'avoir été fat. » Son style aussi s'est comme épuré, dépouillé des vaines parures, dans cette correspondance où le littérateur apparaît à peine, derrière l'ami. Cette amitié qu'il témoigne à Mademoiselle Louise R... est belle, et pour lui consolante ; belle aussi l'affection un peu inquiète de cette personne, dévouée à son génie. Affection à la fois intellectuelle, sentimentale et pratique. On devine la confiance absolue de Barbey en son amie pour laquelle il n'a pas de secrets : il lui confie ses espoirs et ses projets. C'est souvent pour elle qu'il écrit, indifférent à l'opinion des autres. Cependant il travaille toujours avec la même conscience, cherchant d'abord le contentement de lui-même. Il s'enferme pour composer ses articles. « Je serai en conclave jusqu'au milieu de la semaine prochaine, écrit-il, comme si je faisais un Pape. » La publication d'une étude de lui sur Rivarol au Constitutionnel se trouve retardée, mais, dit-il, rien des choses de la publicité ne peut le faire souffrir : « Je suis mort à cela, — mort et froidi. » Il en est arrivé à se « fiche » de ses livres même et de leur aspect extérieur. Cependant, ce dont il enrage, c'est des fautes d'impression qui déshonorent ses ouvrages : « A la page 208 (de l'Histoire sans nom), ils ont mis, « ses belles dents jaunes qu'il montra. » Triples brutes ! s'écrie-t-il, c'est : « ses belles dents JEUNES » qu'il fallait. Et il répète qu'il mourra d'une faute d'impression.

La plupart de ces lettres sont écrites de Valognes, « dans ce pays fatal aux âmes profondes, car il augmente leur tristesse ». Tristesse, pour lui, de retrouver ses premiers rêves et ses premiers souvenirs et de se sentir vieillir. Il regarde tomber la pluie, cette pluie qui donne « l'accent le plus natal » à son pays : « ces belles larmes, dit-il, dont je suis épris sur les joues de mon pays, mais qu'on ne baise plus (on, c'est moi), sur les autres joues... »

Et toujours, à Paris comme à Valognes, l'horreur de la solitude, l'horreur de lui-même : la plus mauvaise compagnie que l'on puisse avoir c'est soi-même. Aussi exprime-t-il avec sincérité à sa correspondante, son émotion de se sentir aimé, lui qui ne peut plus s'intéresser à lui-même, lui, « le Bronzino du mépris qui aimerait mieux l'obscurité que tout ». D'ailleurs, dans le monde des lettres, personne ne le comprend et tout ce qu'on écrit sur lui est mensonge. Mais qu'importe, il se soucie peu de la gloire des biographies :

Qu'on devine l'homme à travers les œuvres, si on peut. J'ai toujours vécu dans le centre des calomnies et des inexactitudes biographiques de toute sorte, et j'y reste avec le plaisir d'être très déguisé au bal masqué. C'est le bonheur du masque, qu'on n'ôte à souper qu'avec les gens qu'on aime. Voilà.

Malgré tout, la monotonie de sa vie le satisfait, et il écrit, de Valognes, à son amie : « Si je vous avais, rien ne me manquerait. » Aussi se demande-t-on si cette horreur de lui-même qu'il exprime ici, et dans son Memorandum, n'est pas une attitude, ou une suggestion devenue sincère. Barbey, quoi qu'il en dise, devait éprouver quelque bonheur à se réfugier en lui-même, à se parler, à se dire ce qu'on ne dit qu'à soi-même : « Sa littérature, a écrit M. Paul Bourget, a été pour d'Aurevilly un songe réparateur. » Il a vécu dans un monde de « visions magnifiques ».

JEAN DE GOURMONT.


QUESTIONS MORALES ET RELIGIEUSES

Adolphe Retté : Du Diable à Dieu ; Léon Vanier.


LES REVUES

La Revue. Enquête sur les rapports entre ouvriers et intellectuels ; intelligence et culture ; un ouvrier amateur : opinions de MM les ouvriers Clerc, Merzet, Adam Keuffer, Quillenl, Morel, Milhaud, Perceau, Jocaviel, Niel, Gastagnié, Courtois et L. Caze. — Conclusion. — Mémento.

§

MEMENTO. — La Rénovation esthétique (juillet) : Réponse à la critique contemporaine, par M. Armand Point.

Le Feu (juillet) : La Poétique de Mme de Noailles, par M. E. Sicard.

La Revue des Idées (13 juin) : Herbert Spencer d'après son autobiographie, par M. Ch. Duguet.

Le Correspondant (29 juin) : La Crise morale, par M. Félix Klein. — La Critique d'art en 1739 et de nos jours, par M. P. Hazard.

La Revue de Paris (1er juillet) : Hortense Allart de Méritens, par M. L. Séché. — Le début d'un roman : La Dentelle de Thermidor, de M. G. Rivollet.

La Grande Revue (25 juin) : Les Inscrits maritimes, par M. Gerville-Réache. — Un ami de la France : A. G. Van Hamel, par M. Wilmotte.

Revue bleue : M. G. Lanson : Questions universitaires : Discipline et Liberté.

La Nouvelle Revue (1er juillet) : Le Cerf mourant, par M. Gh. Géniaux.

CHARLES-HENRY HIRSCH.


LES JOURNAUX

Une Mystification ( La Roulotte, La Verveine, Le Cri de Paris, Antée, Le Censeur, Le Gil Blas, La Dépêche, L'Art moderne et MM. Henry-Gauthier-Villars et Ernest Charles). — La Censure en Turquie (Pro Armenia, 20 juin).

R. DE BURY.


LETTRES ITALIENNES

La jeune poésie italienne. — Giovanni Cena : Homo. Nuova Antologia. Rome.— Francesco Chiesa : Calliope, poema. Egisto Cagnoni et C° Lugano. — Guido Gozzano : La Via del Rifugio. R. Streglio, Turin. — Enrico Cavacchioli : L'Incubo Velato. Editions de la « Poesia » Milan. — Fausto Maria Martini : Panem nostrum. Cromo-Tip. Commerciale, Rome. — Domenico Trombetti : Eclogarium. « La Vita Letteraria » Rome. — Luigi Siciliani : Corona. W. Modes. Rome. — Amalia Guglielminelti : Virgini Folli. Soc. Tip. Ed. Nazionale. Turin. — Mémento.

M. Remy de Gourmont a vu avec une parfaite lucidité que l'esprit italien se mouvant aujourd'hui dans les cercles magiques du charme des écoles occultistes en est où l'esprit français était il y a quinze ou vingt ans. La même loi régit le même esprit dans ses manifestations poétiques. Les diverses écoles poétiques, qui se succèdent, s'accouplent, se chevauchent ces derniers temps en Italie, semblent vraiment suivre les mouvements et les désordres que connut la poésie française il y a quinze ou vingt ans... Plus que de véritables « écoles », la jeune poésie italienne présente, en réalité, des groupements d'esprits sympathiques, réunis dans une même tendance, selon les talents et selon les différents pays. Mais à chacun de ces groupements encore anonymes, on peut reconnaître certaines qualités particulières, certains caractères dominants, qui ne sont pas encore parfaitement individualisés, faute d'un seul talent capable de les résumer puissamment et de les orienter selon un mode précis, en quelque sorte définitif, nettement reconnaissable.

Un Essai sur les tendances de la poésie italienne contemporaine serait encore prématuré. Car on peut dire de cette poésie qu'elle traverse une crise de recherche, une période évidente de transition, où elle révèle une assez forte « volonté d'être ». Mais parmi ses talents, les plus jeunes et les plus hardis, aucun n'a encore donné avec son art la grande norme, qui, une fois formulée en œuvre, répand autour d'elle à la fois cet apaisement et cet engouement qui caractérisent les œuvres géniales ou qui semblent telles, les « œuvres messianiques » de chaque heure et de chaque quart d'heure de toute histoire littéraire.

Cependant, de l'abondance poétique printanière qui sur le marché littéraire, où se fait l'échange des illusions et des colères, vient de verser un nombre considérable de livres aux mille formats et aux mille couleurs, se dégage quelque vérité, temporaire, fugitive, mais qui représente assez bien l'état d'âme de la poésie italienne. Maintenant les aînés sont clairement et violemment délaissés par les jeunes poètes, tandis que s'évanouissent les dernières voix des rhéteurs qui péroraient sur la mort de Carducci. Après l'exaltation presque exclusivement politique de l'œuvre de Carducci, où la conscience nationale, dans la platitude générale, retrouvait quelques rythmes de fierté et une langue renouvelée ; après les affirmations tour à tour parnassiennes et symbolistes de l'art de d'Annunzio, où la langue devenait précieuse et incomparable œuvre de virtuose ; après les douceurs lunaires et potagères de la poésie de Pascoli, souvent toutefois très belles, les jeunes demandent à l'art d'autres émotions, d'autres réalisations, d'autres fécondations. Les quelques tentatives épiques, garibaldiennes, de Carducci à Marradi, ne les satisfont pas. D'Annunzio demeure isolé, enfermé dans ses grands rêves tragiques ; l'esprit littéraire italien, fatigué de l'antique domination du poète froid des élégances, ne comprend pas encore que celui-ci a atteint le plus pur sommet de sa force avec ses tragédies. L'Italie jeune ne veut plus le suivre, et, dans le sens nouveau de la renaissance tragique, si étroitement liée à la renaissance méditerranéenne de demain, elle ne saurait encore le comprendre. Le double mouvement français : symboliste , et vers-libriste, semble hanter des phalanges de poètes, qui semblent s'exercer pour atteindre une très grande souplesse. Il y en a qui cherchent une affirmation « symphonique » de l'artiste,dans les rapports des rythmes extrêmement souples et des mouvements de l'âme extrêmement subtils et variés. Il y en a qui font de l'impressionnisme plein d'émotion et d'ironie souriante. Quelques-uns, à Florence, se tournent vers la nature, et la cherchent dans les anciens mètres, avec une émotion nouvelle, compliquée, et assez intéressante. D'autres, enfin, cherchent dans la science et dans la connaissance moderne de l'être, quelque mouvement lyrique nouveau, quelque affirmation rythmée de la pensée contemporaine.

En dehors même du double mouvement français dont il est parlé plus haut, les autres recherches caractéristiques de la littérature française se répètent en Italie. Ici comme là, il manque le génie représentatif, dont le nom seul évoquerait l'état d'âme de plusieurs générations aboutissant à une grande réalisation historique. Mais dans une sorte d'identité de volonté littéraire, à travers l'inéluctable et nécessaire diversité des esprits, il y a une signification esthétique, dont la portée intéressera sans doute l'histoire littéraire des deux pays.

RICCIOTTO CANUDO.


VARIÉTÉS

[...]

III. — Baudelaire et d'Aurevilly. — Carte de visite de

CHARLES BAUDELAIRE

20 fr. — pardon de vous remettre si
peu aujourd'hui. — Souvenez-vous
que pour les gens du petit café,
je suis absent de Paris.
[Note de Châtillon :]
A valoir pour
le cachet en bronze. A. de Ch.

Lettre de d'Aurevilly :

Monsieur,

Vous êtes venu quatre fois à mon café et je vous en remercie dix. Je vous aurais écrit plus tôt, mais je n'étais pas sûr de mes soirs. Mardi, s'il vous était loisible, je vous offre le café comme un Turc et tous mes sentiments comme un chrétien. A VIII heures du soir.

Ce diable de Café de Bruxelles est loin pour vous comme le Monomotapa, mais vous y trouverez ce qu'on trouve au Monomotapa.

Un ami,
JULES BARBEY D'AUREVILLY.
(En hâte.)

M. Aug. de Châtillon, à Montmartre.

IV. — Voici, enfin, une singulière bouffonnerie écrite de la main de Châtillon :

D'où viens-tu ? dit-il.
Hé ! du four, dit-elle.
Que faire ? dit-il.
Un gâteau, dit-elle.
Est-il gros ? dit-elle.
Vous verrez, dit-elle.
Est-il bon ? dit-il.
Goûtez-le, dit-elle.
Est-il chaud ? dit-il.
Soufflez-y, dit-elle.
Où cela ? dit-il.
A mon cul, dit-elle.
Ha ! putain ! dit-il.
Ha ! cocu ! dit-elle.
Ha ! ha ! ha ! dit-il.
Ha ! ha ! ha ! dit-elle.

UN BIBLIOMANE.


ECHOS

Histoire d'une religion. — Une amoureuse de Nietzsche. — Les représentations de Béziers. — Le sottisier universel.

§

Le Sottisier universel :

Le débat a été précédé d'une discussion générale très courte ; seul, M. Georges Berry y prend part. — Le Journal, 7 juillet.

Joli fonds à céder pour chevaux. — Annonces du Journal, 29 juin.

M. Jules Guesde ; Nous ne voulons pas des larmes pour nos morts ; nous voulons qu'on ne les tue pas. — Le Journal, 29 juin.

A Pignan, deux maisons subissent un commencement d'incendie volontaire. — Le Journal, 26 juin.

Un acte de vandalisme au Musée du Louvre. — C'est en tout cas une œuvre complètement perdue et dont la valeur considérable se trouve aujourd'hui de ce fait sensiblement diminuée. — L'Echo de Paris, 8 juillet.

La rencontre a eu lieu à 3 kilomètres de Béziers. Le 81e a mis la baïonnette au canon. Le 17e a répondu par un feu de salve en l'air. Il n'y a pas eu de blessés. — Messidor, 21 juin.

Vous vous étendrez dans votre lit avec une sensation parfaite de bien-être, un calme complet, un corps léger comme du cristal. — DOCTEUR PASCAL. Le Journal, 9 juillet.

La fameuse exposition de la Toison d'Or — non moins que le travail gigantesque d'un port établi en pleine mer (à Bruges) et qui provoque l'admiration des hommes de science. — Gil Blas, 7 juillet.

E morto il giovane romanziere J.-K. Huysmans. [Le jeune romancier J.-K Huysmans est mort.] — La Vita Letteraria, 21-28 juin.

On fit une ovation à Massenet, qui se dissimulait le plus possible autour d'une loge. — Le Matin, 10 juillet.

Un poème signé Marius Hégin, dont l'acrostiche de Willy est une évidente démarcation. — Le Thyrse, juillet 1907.

Erratum. — Liste parue le 17 juillet : au lieu de MM. Montaudon-Ulmo, lire MM. Montaudon-Ulmo. — L'Echo de Paris, 19 juillet.

MERCVRE.