Jules Troubat : Un coin de littérature sous le Second Empire : Sainte-Beuve et Champfleury, lettres inédites, 5
Fernand Baldensperger : Goethe et Hugo, juges et parties, 25
Cécile Sauvage : Poèmes, 39
Henri Malo : La Guerre de Course : Armements et Bénéfices des Corsaires, d'après des mémoires et documents inédits, 44
Maurice Dumoulin : L'Art et l'Etat au dix-huitième siècle, d'après la correspondance de Cochin et des documents inédits, 60
Olivier de la Fayette : Rigel, poème, 97
Rudyard Kipling (Louis Fabulet et Arthur Austin-Jackson, trad.) : Dray wara yow dee, nouvelle, 114

REVUE DE LA QUINZAINE

Remy de Gourmont : Epilogues : Cinématographe, 124
Rachilde : Les Romans, 127
Jean de Gourmont : Littérature, 131
Edmond Barthèlemy : Histoire, 134
Georges Bohn : Le Mouvement scientifique, 140
Henri Mazel : Sciences sociales, 144
Charles Merki : Archéologie, Voyages, 149
Jacques Brieu : Esotérisme et Spiritisme, 154
Charles-Henri Hirsch : Les Revues, 158
R. de Bury : Les Journaux, 163
Ernest Gaubert : Les Théâtres de plein air, 167
Georges Eekhoud : Chronique de Bruxelles, 171
Henri Albert : Lettres allemandes, 175
Henry-D. Davray : Lettres anglaises, 179
Mercure : Publications récentes, 186

Echos, 187


LITTÉRATURE

Paul Verlaine : Voyage en France par un Français, publié d'après le manuscrit inédit. Préface de Louis Loviot ; Messein. — Alfred Jarry : Albert Samain. Souvenirs ; Victor Lemasle : — Vincent Voiture : Stances, Sonnets, Rondeaux et Chansons, choisis et précédés d'une Notice par A. Arnoux ; Sanot — Pierre Corneille : Galanteries, précédées d'une Vie Amoureuse de Pierre Corneille, par E. Sansot-Orland ; Sansot.

Voyage de France par un Français. M. Louis Loviot, dans une préface, nous conte l'aventure de ce manuscrit que Verlaine aurait en vain, pendant dix ans, proposé à divers éditeurs. Ce fut en 1891, qu'il réussit à le donner à son logeur, en paiement d'une somme de deux-cents francs qu'il lui devait. Contrat fut passé, donnant à l'hôtelier l'autorisation de négocier cette œuvre à son gré. Voyage en France fut écrit en même temps que Sagesse : on y trouve la même ferveur de néophyte, mais certes pas les mêmes qualités d'art et de bon goût. Un des chapitres est consacré aux Romanciers actuels que l'auteur ne veut étudier qu'au seul point de vue qui lui importe : la religion. Ce sont des jugements inattendus et d'un sens critique vraiment très particulier. Verlaine parle cette langue spéciale de certaines brochures religieuses, dont il adopte les tournures de phrases et jusqu'aux lieux-communs. A propos de Flaubert, il écrit cette longue période : « Le Catéchisme aussi, malheureusement pour les sommets de son intelligence, le Catéchisme, méconnu, raillé, traîné dans les scies d'atelier et les propos de table, à son tour fuira cet esprit imprudent, sortira de cette mémoire bondée de tant de vanités, et, soleil d'évidence, ne viendra plus frapper qu'ironiquement ces prunelles brûlées aux sales lueurs de la chair et du monde, et qui seulement sentiront son feu, en souffriront même, sans percevoir le plus fugitif, le plus pâle éclair de sa torrentielle, de son éternelle clarté. » N'est-ce pas touchant, cet amour pour le catéchisme ? Verlaine termine son pamphlet contre Flaubert, Zola, les Goncourt, Daudet, etc., en accusant ces romanciers d'une horrible luxure (le plus triste des péchés). Et c'est avec la plus grande sincérité qu'il écrit ces choses, oubliant qu'il vient lui-même de publier Parallèlement, où il y a certes plus de luxure que dans toute l'œuvre de Flaubert, des Goncourt et de Daudet. D'autres chapitres de polémique réactionnaire, comme le Suffrage universel et le concordat de 1801, sont d'un intérêt très rétrospectif. Une bonne partie de ce livre devait traiter du « lamentable résultat de ce triste concordat de 1801 », mais Verlaine n'eut pas le courage de continuer et de développer ces prémisses.

Il abandonne ce sujet et donne des conseils à son fils, qu'il imagine dans l'âge d'être soldat. Si on t'envoie contre Dieu, lui dit-il, refuse carrément de servir, et il s'écrie avec un bel héroïsme : « Ton père sera à tes côtés pour souffrir et mourir avec toi si les choses vont jusque-là. » Certes, il conseille encore à son fils de servir sa patrie, mais il espère de l'Esprit Saint du Dieu des armées une insurrection contre ce qu'il appelle l'lmmondice actuelle ; alors, écrit-il, « meurs et triomphe avec le Roi, » etc.

On m'assure que ce chapitre A mon Fils aurait déjà été publié et figurerait dans les œuvres complètes de Verlaine éditées par Messein.

§

M. Alfred Jarry vient de faire paraître un petite plaquette sur Albert Samain : souvenirs, qui ajoute quelques documents au volume de Léon Bocquet sur Samain. Voici, en reproduction autographe, une très intéressante lettre de Samain à M. Van Bever, où il lui dit: « Ma vie n'a point d'histoire et ne comporte point d'éléments dont se puisse alimenter le côté anecdotes d'une biographie. » Pourtant, les amis de Samain ont recueilli avec piété tous ses souvenirs; mais il n'en est guère qui ne soient mêlés à son œuvre. Aussi est-il curieux de reproduire ce sonnet presque inédit — paru dans le Courrier du jeudi, « périodique autocopié, rédigé, vers 1884, par M. Alfred Vallette » :

BOTANIQUE

Oui, chaque fleur, madame, est l'ardente maîtresse
Du soleil empourpré, qui se couche là-bas.
Voyez, comme suivant son déclin pas à pas,
Chacune tend vers lui sa tige avec détresse.

Sur le jardin palpite une suprême ivresse;
Car de l'âpre bruyère au suave lilas,
Toutes veulent sentir sur leurs seins délicats
Glisser l'or tiède et doux d'une oblique caresse.

Mais quand l'ombre a rempli l'horizon jusqu'au bord,
Naïves, elles croient que le soleil est mort ;
Et le sol sent en lui frémir leur petite âme.

Alors, toute la nuit, leur amour enfantin
Pleure sous le ciel vide, et c'est pourquoi, madame,
Leurs calices sont pleins de larmes le matin.

JEAN DE GOURMONT.


LES REVUES

Le Censeur : M. R. Canudo, à propos de la « Tour du travail », l'œuvre future de M. Auguste Rodin. — La Revue hebdomadaire : le comte Tolstoï, contre-révolutionnaire, voudrait ramener les peuples à Dieu par la vie champêtre. — La Grande Revue : M. H. Gauthier-Villars étudie la Princesse Palatine. — Memento.

§

MEMENTO. — La Revue de Paris (1er août). — M. F. Caussy : Voltaire, seigneur féodal : Ferney. — Paul Adam : Physionomie de la Conférence de La Haye.

La Nouvelle Revue (1er août). — Dr G. Thomas : Les théories du Cancer. — Mme Claude Lemaître : Londres autrefois et aujourd'hui.

La Revue (1er août). — Comment est mort Léon XIII, très curieuses pages d'un journal intime publiées par M. Boyer d'Agen. — La Suppression de la misère, de M. F. Passy. — L'Evolution de l'amour, par M. Paul Margueritte.

Revue bleue (27 juillet) publie Arlequin Diogène, un acte inédit en vers, de Saint-Just. — (3 août). Les Jolies Vallées de France, par M. E. Pilon.

Le Correspondant (25 juillet) donne des lettres inédites de Béranger à M. Benoît Champy. — La Paroisse des chiffonniers, par M. Maurice Talmeyr.

CHARLES-HENRY HIRSCH.


LES JOURNAUX

Les Destructeurs de livres (Le Temps, 16 août). — Une lettre inédite de Lamartine (Le Figaro, supplément, 17 août). — Projets d'écrivains (L'Intransigeant, 16 août et suiv.).

A propos de l'exposition du Livre, M. Claretie nous entretient, dans le Temps, de quelques destructeurs livres qui opèrent d'une manière très particulière. Le livre a beaucoup d'ennemis. On a inventé la reliure pour le préserver contre les mésaventures les plus communes, et voici que la reliure devient elle-même la cause de la ruine des livres. M. Claretie va nous expliquer cela :

Mais alors — compensation ironique, remède extravagant — comme le Livre menacerait de submerger l'univers sous un déluge de papier, le Livre a ses ennemis qui se chargent de délivrer le monde du débordement livresque. Le Livre, cette joie de la vie, est non seulement menacé par les insectes qui le rongent, par l'humidité qui le détériore, par Ie soleil qui dévore sa reliure, par les rats qui le grignotent, par les sots qui le perdent et les malotrus qui l'abîment, il est menacé par une catégorie nouvelle d'amateurs, d'amateurs barbares, qui s'emparent de lui pour le défigurer, pour le transformer, le travestir, le maquiller, et faire, par exemple, de reliures superbes des bibelots mondains, des cadeaux de jour de l'an, des buvards, des boîtes à cigares, des boîtes à timbres-poste.

Il y a longtemps que sur ce point je veux jeter le cri d'alarme. Le Livre a trop d'ennemis. Sus aux ennemis du Livre !

Déjà la mauvaise qualité du papier expose les livres modernes à une disparition certaine. Y a-t-il, par exemple, une seule édition sur papier fort, papier de Hollande ou papier du Japon, qui nous garantisse que les Causeries du Lundi de Sainte-Beuve ne sont pas, j'entends matériellement, destinées à périr dans quelques années ? Non. Les volumes de Sainte-Beuve, admirable encyclopédie littéraire, ont déjà subi (non point par l'esprit) l'injure du temps. Et voici que les amateurs — quels amateurs ? des amateurs d'art, disent-ils — se précipitent sur les reliures pour en faire des sous-mains, des coffrets, tout ce qu'on voudra, excepté des livres. Et nos mondaines s'écrient, ravies, séduisantes, suivant la mode : — C'est charmant ! Voyez donc cette boîte à gants ! Elle est aux armes de Mme de Pompadour !

Ce cuir précieux recouvrait un livre rare. Le livre est détruit. Mais on a un coffret quelconque aux couleuvres de Colbert ou aux armes de quelque cardinal. C'est une des folies du moment.

Le dix-septième siècle et surtout le dix-huitième siècle nous avaient légué les fausses reliures : dos de livres garnissant des portes de placards, d'armoires ou de couloirs secrets, boîtes, bouteilles ou flacons en forme de livres. Voici, par exemple, un minuscule volume, une Etrenne, comme on disait. Au dos, ce titre : l'Année heureuse ; sur le plat, cette devise : « Votre vue me ranime. » C'est l'étui des flacons à sels d'une jolie femme. Mais c'est le dix-neuvième siècle (le siècle passé, déjà !) qui nous a valu les livres transformés en boîtes. Il y a une trentaine d'années, un confiseur, dont je ne sais plus le nom, eut l'idée de vendre des boîtes de bonbons empruntant la forme et la couverture des volumes de la « Petite Bibliothèque littéraire », d'Alphonse Lemerre. Ces volumes, œuvres de Victor Hugo ou d'Alfred de Musset, figurèrent, en guise de bonbonnières, dans plus d'une bibliothèque. La même tentative commerciale a produit ces petits livres in-64 pour enfants, qui contiennent, avec une tablette de chocolat, une notice plus ou moins exacte sur le « classique » dont le nom est imprimé sur la couverture. On dévore le cacao, on laisse parfois la fable de La Fontaine.

Hélas ! j'ai vu pis : à une admiratrice d'Elvire ou de Kitty Bell, un bibliophile d'autrefois offre les Méditations ou Chatterton. Ces volumes, je les retrouve, mais évidés, autopsiés, si je puis dire ; ouverts, ils contiennent des fleurs de Nice ou du chocolat de Marquis. Un autre amateur fait exécuter (exécuter est le mot) en papeterie une admirable reliure en maroquin plein, ayant appartenu à Mme Victor Hugo. C'est de la barbarie, mais c'est la mode.

A la vente de la bibliothèque de M. Armand de Barenton, qui pendant une dizaine d'années, de 1845 à 1855, écrivit à l'Illustration, au Siècle, à l'Ordre et à l'Assemblée nationale, on a vu défiler une cinquantaine de boîtes, toutes plus ou moins curieuses et quelques-unes fort belles, creusée dans des livres anciens. Il y avait là des reliures en vélin blanc ou en peau de truie du seizième siècle, avec portraits estampés à froid sur les plats : des reliures armoriées des dix-septième et dix-huitième siècles, provenant du pape Innocent X, de Louis XIV, de Marie-Thérèse d'Autriche, de Louis XV, de Madame Sophie de France, de Sully, de Mathieu Mole, de Louvois... Oh ! massacres !

La mode aidant, ces fantaisies de quelques curieux sont devenues un objet de commerce, et les étalages des libraires ou des marchands de curiosités montrent couramment des « reliures anciennes transformées en boîtes ou en bloc-notes ». Un bloc-notes aux armes de la Du Barry, songez donc, c'est exquis, à la fois historique et ultra-moderne !

On a recherché ainsi les buvards et les portefeuilles anciens, mais ils sont peu communs et ceux que le temps a respectés sont plus rares encore. Le buvard de Colbert, très fatigué, s'est vendu dernièrement plus de 200 francs. Mais les véritables buvards étant achetés, casés, catalogués, il fallut trouver un moyen, pour satisfaire les amateurs. Toutes les reliures in-folio en maroquin, toutes les reliures en veau armoriées qui se trouvaient sur des volumes anciens, livres victimes de la mode nouvelle, furent recherchées, et leur prix, qui varie en raison de la provenance, de la décoration et de la conservation, s'accrut en peu de temps d'une manière extraordinaire. Quod non fecerant barbari. Ce que n'ont pas fait les rats, les amateurs et les marchands, aux ordres des amateurs, l'ont fait.

O pauvres livres ! Que M. Albert Cim, dans son excellente Histoire du Livre, n'oublie pas ces Massacreurs !

J'avoue que je trouve cette pratique toute naturelle. Un livre n'est pour la plupart des gens du monde qu'un petit meuble inutile. Le transformer en boîte, à gants, quoi de plus ingénieux ! Vous croyez que je lis les livres qui sont rangés sur cette étagère et dont les titres vous émerveillent. Pas si bête ! Ouvrez et vous comprendrez. Ici mes gants ; là, des cravates ; là des mouchoirs.

J'ai vu un jour, sur les quais, un petit bourgeois faire une belle commande de livres : « N'importe quoi, disait-il, pourvu qu'ils soient bien reliés. C'est pour dissimuler une fausse porte qui fait un creux. »

Tous les bouquinistes vous diront que le livre relié est d'un placement facile. Ils servent de cales, de couvercles. Les in-quartos sont très recherchés pour exhausser les chaises des petits enfants.

§

Le Supplément du Figaro a donné une lettre inédite de Lamartine, qui le montre au milieu des travaux de librairie qu'il avait dû entreprendre au début de l'Empire. Elle provient de la collection de M. Louis Barthou :

Paris, 26 août 1853.

Monsieur,

Je n'ai pas besoin de vous dire combien j'ai été touché de la promptitude de votre réponse et de l'obligeance de vos démarches. Le bonheur a voulu que j'aie rencontré hier M. Soulé, votre ministre en Espagne, chez M. de Girardin, où nous avons dîné ensemble en parlant de vous, de l'Amérique et de la France. C'est là qu'il m'a remis votre lettre.

Un voyage en Amérique serait en ce moment pour moi une consolation autant qu'une gloire. Jamais un esprit affligé par l'évanouissement du caractère de son pays n'eut plus besoin de reposer ses yeux et de relever ses espérances par la contemplation d'une liberté digne, courageuse et sage, dont votre grande nation donne l'exemple au monde... Mon cœur trouverait dans ce spectacle autant de douceur que mon esprit, puisque vos compatriotes veulent apprécier si au-dessus de mes faibles mérites les services que j'ai voulu rendre à la fois à la cause démocratique et à celle de la civilisation, selon moi inséparables. C'est à vous, Monsieur, que je devrais surtout l'accueil et l'hospitalité dont je serais si heureux de jouir.

Malheureusement des circonstances privées et des difficultés d'existence provenant d'une longue négligence de mes affaires personnelles pendant vingt ans de préoccupations publiques pèsent de tout leur poids sur moi et me condamnent à une assiduité et à un effort constant de travail qui ne me permettent pas une semaine de repos. Il faut penser à ses créanciers avant de penser à soi-même. Tant que je ne me serai pas acquitté par ma plume des sommes considérables que je leur dois, je me considère comme enchaîné à la glèbe. Je ne puis donc songer à m'éloigner, car leur gage s'éloignerait avec moi. Mais si, dans un an ou deux, mes efforts étaient couronnés de succès, soyez assuré que je profiterais de la première heure libre pour aller visiter à loisir les choses et les hommes qui font le plus honneur à notre triste globe. Malheureusement, la distance morale n'est pas moins grande en ce moment que la distance géographique entre les deux hémisphères.

Je quitte Paris demain pour retourner à la campagne et à mes travaux. Je serai toujours bien heureux des occasions qui me rappelleront des sentiments bien réciproques. Recevez, Monsieur, l'assurance de ma haute et cordiale considération.

A. DE LAMARTINE,

Rue de la Ville-l'Evêque, 31, Paris.

§

L'Intransigeant a interrogé quelques écrivains et artistes sur leurs projets, leurs œuvres en préparation. Les réponses à ces sortes d'enquêtes sont toujours amusantes. Les caractères s'y décèlent. On y voit les convaincus, ceux qui sont persuadés qu'ils soulèvent le monde deux fois par an au moins. Il y a les malins, qui en profitent pour rédiger une petite réclame plus ou moins adroite. Il y a les hommes à projets, qui alignent toutes sortes de titres sous lesquels ils espèrent bien mettre un jour quelque chose. Il y a les arrivés, que leur métier n'intéresse plus. Dans ce genre, voici celui qui, en guise de belles-lettres, cultive le patriotisme. Ce n'est pas un conte. Telle, en effet, la réponse de M. Barrès :

Mon projet, c'est de m'occuper de ma circonscription pour y maintenir de mon mieux l'esprit patriotique qui l'anime et pour reconnaître la sympathie que les électeurs m'y témoignent. C'est aussi de suivre régulièrement les séances de la Chambre et de mettre toute ma bonne volonté au service des intérêts français.

Quant à des travaux littéraires, il n'y faut pas songer,

BARRÈS.

Il y a enfin l'homme d'esprit qui trouve le moyen, par sa réplique, de ridiculiser toutes les autres. M. Xanroff m'a beaucoup amusé :

Mes projets pour la saison prochaine ? J'en ai tant qu'une colonne de l'Intransigeant ne suffirait pas à en faire connaître à vos lecteurs la nomenclature succincte et chronologique.

A quoi d'ailleurs cela les avancerait-il ? Un sort malin, dont j'ai pris mon parti, fait que ce sont rarement les projets que je caressais que, finalement, je réalise !

Pourtant, je puis vous annoncer que je viens de terminer une pièce en trois actes. Son titre vous indiquera avec autant de clarté que de précision quels en sont le sujet, le genre, et la portée philosophique et sociale. Ce titre est : Alfred !

J'ai bien le ferme projet que cette pièce soit jouée la saison prochaine, avec un éclatant succès. Seulement, comme je vous le dis plus haut...

R. DE BURY.


ECHOS

Une lettre de M. Louis Dumur.— Une lettre de M. Valère Brussov. — Une lettre de Morris Rosenfeld. — La Poésie au Salon d'Automne. — Lenau à Stuttgard et à Munich. — A ceux qui ont des documents sur Bizet. — Appel aux possesseurs de lettres de Bossuet. — Le Sottisier universel.

Une lettre de M. Louis Dumur.

Genève, 23 août.

Mon cher ami,

Dans le dernier Mercure, M. R. de Bury s'amuse d'un document cité par le Matin au cours d'un article sur la Séparation des Eglises et de l'Etat à Genève. Ce document n'est autre qu'une affiche apposée sur les murs de Genève par des partisans protestants de la Séparation et où, parmi les arguments invoqués en faveur de la loi qui venait en référendum devant le peuple genevois, figurait celui-ci : « Nous voulons la Séparation, parce que nous ne voulons pas que le produit de la prostitution serve, pour une part si faible soit-elle, à entretenir nos pasteurs. »

M. de Bury en infère que la prostitution, à Genève, est frappée d'une taxe spéciale au profit du budget des cultes. Je le regrette pour l'humour de la situation, mais cela n'est pas exact. Les maisons de tolérance, à Genève, sont organisées exactement sur le système français. Ces maisons paient patente, naturellement, mais l'Etat ne prélève aucune part sur leurs bénéfices. Les contributions payées par les maisons tombent simplement dans le budget général de l'Etat, comme toutes les autres contributions, et ne sont pas affectées à telle ou telle dépense, comme l'est, par exemple, à Paris l'impôt de 11 0/0 sur les théâtres, qui va directement à l'Assistance publique.

Loin que la prostitution crée des ressources à l'Etat genevois, il est certain que, tous comptes faits, elle constitue pour lui un excédent de dépenses. L'organisation de la prostitution est coûteuse. Elle l'est d'autant plus à Genève que la prostitution en maison y est seule tolérée et que la surveillance policière doit être par conséquent plus complète, pour empêcher pratiquement l'exercice illégal de ce métier dans la rue, les cafés et autres lieux publics. En outre, la réglementation y est plus sévère, les femmes étant visitées deux fois par semaine, tandis qu'à Paris elles ne le sont qu'une fois et les femmes en carte (inconnues à Genève), tous les quinze jours.

L'argument des séparatistes genevois aurait donc pu aussi bien être invoqué en France, lors des discussions sur la Séparation. Il aurait même pu l'être à plus juste raison, car la prostitution libre et la prostitution clandestine, qui n'existent la première pas, la seconde presque pas à Genève, rapportent au budget français, en contributions directes ou indirectes, des sommes considérables, ces deux genres de prostitution représentant des éléments importants pour le commerce et l'industrie de luxe.

A le considérer d'un peu près, l'argument d'ailleurs ne vaut rien. Libre ou nationale, l'Eglise a besoin d'argent. Or, au point de vue strictement chrétien, l'argent a toujours une source plus ou moins suspecte. Cependant, les séparatistes, qui ne veulent rien recevoir d'un Etat qui tolère la prostitution, accepteront parfaitement leurs fonds des mains improbes ou même sanglantes du capitalisme.

Le vice fondamental et l'hypocrisie des Eglises, c'est précisément qu'il leur faille de l'argent, que tout ne s'y passe pas absolument gratuitement. En bon anarchiste qu'il était, le compagnon Jésus avait bien prévu qu'il apportait non la paix, mais la guerre ; mais jamais il n'aurait pu s'imaginer qu'il en arriverait à vivre du denier de César... et, qui pis est, de celui de Crassus. Tout à vous.

LOUIS DUMUR.

§

Une lettre de M. Valère Brussov.

Monsieur,

Espérant en l'impartialité habituelle du Mercure de France, je vous prie, d'insérer ces quelques lignes.

M. E. Séménoff, votre correspondant de la Russie, dans sa division des poètes russes contemporains (v. le Mercure du 16 juillet), me place parmi les Parnassiens. Jamais je n'ai été Parnassien, jamais je ne le serai et maintes fois dans mes articles je combattis l'esthétique parnassienne ! En général, toute la division des poètes russes, faite par M. Séménoff, est fausse.

Au reste, je m'étonne fort de la place que M. Séménoff donne au « mysticisme anarchique », qui n'a pas plus d'importance chez nous que l'« intégralisme » en France.

Agréez, Monsieur, l'expression de mes sentiments les plus distingués

VALERE BRUSSOV.

Moscou, 10 août 1907.

§

Le Sottisier universel.

Dépêche de Stockholm : D'après les journaux, le cadavre d'une Suédoise, Emma Liewen, aurait été retrouvé le 6 août dans une malle. Réponse du Commissaire de Marseille : Probablement Emma Liewen. Tous les journaux, 10 août.

Ce qu'a été la fête de l'ambassade d'Angleterre, bien immodeste qui tenterait de le décrire. — Le Moniteur Oriental, de Constantinople, 15 mai.

Sans y être poussé par de graves motifs, on ne se promène pas en coupé-lit, avec dans un sac de voyage la tête et les jambes d'une femme, tandis que le reste du corps suit aux bagages. — Le Petit Marseillais, 7 août.

M. A. Delbeke, ministre des Travaux publics. — Une grande armée et une petite, c'est la même chose, avec cette différence qu'il y a plus d'hommes dans la première que dans la seconde. — Compte-rendu officiel de la séance de la chambre des représentants de Belgique, 3 août.

L'aérostat descendit rapidement à la suite de la dilatation du gaz. — La Liberté, 20 août.

Swift : Robinson Crusoé. — « Les meilleurs auteurs classiques. »

Je ne pouvais monter sur le pont, le soir, sans la surprendre en tête à tête avec tous les officiers du bord, — La Dernière Heure, 13 août.

... les dames aux balcons, tout heureuses de cacher leur rougeur subite derrière un face à main. — Le Nouveau Précurseur d'Anvers, 22 juillet.

M. Martin avait plusieurs fractures sur tout le corps. Mme Martin avait, en outre, deux côtes enfoncées. —Le Journal, 27 juillet.

Dépêche de Copenhague : Télégraphiez si corps retrouvé en malle est reconnu comme Mme Emma Levin.

Réponse du Commissaire de Marseille : Probablement Emma Levin.

MERCVRE.