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André Rouveyre : Visages : XXIII. Claude Debussy
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Fernand Benoit : Poèmes
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Echos


EPILOGUES

Dialogues des Amateurs

XCII. — Température

M. DESMAISONS. — Comment ! Mais je vous croyais parti !

M. DELARUE. — Et moi aussi je me croyais parti, mais quand j'ai vu et senti tant de soleil et de chaleur...

M. DESM. — Ah ! vous commencez à comprendre qu'il n'y a qu'à Paris où l'été soit possible ?

M. DEL. — L'été, non, mais l'extrême été, peut-être. J'avoue que l'idée de me trouver par trente degrés sur les plages, avec Phébus dans les yeux...

M. DESM. — Et la brise marine ?

M. DEL. — Il faut qu'elle soit bien forte pour neutraliser la colère du dieu, et quand elle est très forte, elle est un second fléau.

M. DESM. — Vous avez la belle nature, les champs, les forêts.

M. DEL. — Les bois, quand il fait chaud, c'est le four, cependant que le champ, c'est la fournaise. Décidément, je vais attendre le mois d'octobre.

M. DESM. — Et vous irez à Versailles voir tomber les feuilles mortes.

M. DEL. — Nous vieillissons, mon ami. Est-ce que nous songions, il y a vingt ans, à la température, et surtout, est-ce que nous avions peur du soleil ?

M. DESM. — Vieillir, et cependant voir augmenter sa sensibilité, mauvaises conditions pour être encore heureux par les dehors. Faut-il donc maintenant rester chez soi et ne regarder la vie que par le rideau levé ?

M. DEL — J'en ai peur. Et puis, vous le dirai-je, le dehors m'attire de moins en moins, surtout le dehors un peu lointain. Que voit-on en voyage ? Des choses vertes, des gares avec des gens ahuris, des cathédrales, des musées, des sables et puis de l'eau. Mais si nous restons chez nous, nous regretterons tout cela. Ah ! le chemin de fer nous a donné de bien mauvaises habitudes. Voyager pour voyager, ceux qui se risquaient à cela, jadis, passaient pour un peu fous et, tenez, j'ai connu en province un avocat intelligent et riche qui faisait tous les ans un long voyage, Amérique, Inde, Japon. Eh bien ! cela a brisé son avenir. Ses compatriotes n'ont jamais pu comprendre qu'on gaspillât ainsi son argent, sans obligation. Ils le qualifièrent d'original, dernier terme du mépris pour ces gens tous pareils les uns aux autres, et ils n'en ont même pas voulu pour conseiller d'arrondissement.

M. DESM. — C'est la sagesse provinciale, celle des enracinés. On a dû lui dire plus d'une fois : « Si vous aviez mis de côté l'argent de vos voyages... »

M. DEL. — Naturellement, on le lui a dit, et devant moi. Eh bien ! il hochait la tête et souriait d'un sourire où il y avait du regret.

M. DESM. — Du regret de quoi ?

M. DEL. — Du regret de l'argent qu'il n'avait pas épargné. Sagesse provinciale.

M. DESM. — Qui est un peu la nôtre, à part la question d'argent, qui ne nous passionne point, car, avez-vous quelquefois fait un voyage, petit ou grand, qui vous ait pleinement contenté ?

M. DEL. — Oui, et même après n'importe quelle absence j'ai toujours été un peu moins fâché avec la vie.

M. DESM. — C'est vrai, le vieil air est moins amer. Il faut donc partir.

M. DEL — C'est ce que je me dis, et pourtant je n'en ai pas encore la volonté.

M. DESM. — Alors, reste, Panurge.

M. DEL. — Ne me faites pas trop sentir mon ridicule ou ma faiblesse, car délibérer des petites choses, c'est avouer un système nerveux bien détendu.

M. DESM. — Nous savons trop ce qui nous attend, à Fontainebleau comme à Bénarès, à Rome comme à Saint-Valery-en-Caux. L'imagination n'est que de l'ignorance. Mais quand on n'imagine plus, on ne désire plus.

M. DEL. — Et quand on ne désire plus, c'est la fin de tout. En êtes-vous là ?

M. DESM. — Non pas, car j'ai encore la curiosité, et c'est une autre source du désir. Avec de la curiosité, on ne vieillit jamais tout à fait.

M. DEL. — Vous me refaites optimiste, vous me rafraîchissez. La chaleur me déprime un peu moins. Oui, elle a bien trente ou trente-deux degrés, notre conversation, mais vous y avez mis un peu d'air, je suis plein de curiosités et je m'en vais décidément aller voir comment sont faites, cette année, les femmes des plages.

M. DESM. — Il y a quelque apparence qu'elles seront faites comme l'an passé.

M. DEL. — Ne le croyez pas, il y a des années de vaches maigres et des années de vaches grasses.

M. DESM. — Et vous augurez pour cette année ?

M. DEL. — Une saison de vaches maigres. Cela ne fait pas très bien mon affaire, mais c'est la mode, plus forte que nos goûts et qui les dompte. La femme la plus sotte, mais qui veut plaire au plus grand nombre, sait se maigrir et s'arrondir à volonté. Il faut les prendre comme elles se présentent.

M. DESM. — Et ce sont toujours des femmes. C'est avec sagesse qu'on a appelé tout le reste des caractères sexuels secondaires, la femme est tout entière dans l'appareil muliébrile. Il sied seulement que cet organe essentiel soit entouré d'un jardin assez frais et verdoyant, il n'est pas besoin de ces bombements et vallonnements, de ces paysages onduleux et charnus dont la plantureuse richesse ne vaut pas la légèreté des lignes et la modération des contours.

M. DEL. — Je vous emmène !

M. DESM. — J'aurais fait un assez bon paysagiste du corps féminin, mais cela induit à trop de distractions.

M. DEL. — Alors ?

M. DESM. — Alors, nous partons.


LITTÉRATURE

Raphaël Cor : M. Anatole France et la Pensée contemporaine, 1 vol in-8°, Editions d'art, Edouard Pelletan. — Aurel : Voici la femme, 1 vol. in-18, 3.50, Sansot. — Les Légendes épiques. Recherches sur la Formation des chansons de Geste, par Joseph Bédier, tome II, 1 vol. in-8°, Champion. — Ph.-Emmanuel Glaser : Le Mouvement des lettres. Petite chronique littéraire, 1908, 1 vol. in-18, 3.50, Ollendorff. — Louis Thomas : L'Esprit de M. de Talleyrand, 1 vol. in-8°, 5 fr., « Les Bibliophiles fantaisistes », Dorbon aîné.


LES REVUES

La Revue bleue : M. A. Bossert parle de Weimar au temps de Gœthe. — La Revue du temps présent : M. Albert de Bersaucourt publie et commente des pamphlets de M. Courtat contre Victor Hugo. — La Nouvelle Revue française : Un poème d'Emile Verhaeren sur Michel-Ange. — La Grande Revue : Bernard Shaw et la Censure, par M. A. Hamon. — La Revue de Paris : Le professeur A. Aulard met en lumière un conventionnel peu connu, François Robert, surnommé Robert Rhum. — Memento


LES JOURNAUX

La littérature coloniale (Le Temps, 19 août). — La philologie romane (Vivo Prouvenço, 7 août).


ECHOS

L'influence allemande en Roumanie. — Le Monument Charles Guérin. — Le Congrès international des Editeurs. — L'Argus de la Presse contre les autres Argus. — Le Sottisier universel.