Tancrède de Visan : Le Romantisme allemand et le Symbolisme français
Francis Jammes : Les Géorgiques chrétiennes, premier chant
Charles Baudelaire : Pages de Carnet, publiées par M. Féli Gautier
Legrand-Chabrier : Pèlerinage de Noël
André Rouveyre : Visages : LV. Marthe Brandès
Georges Izambard : Arthur Rimbaud rhéthoricien (Réponse à M. Paterne Berrichon)
Gabriel Soulages : La Terrible question Pommié, (I-XI) roman

REVUE DE LA QUINZAINE

Remy de Gourmont : Epilogues : Les Femmes à l'Académie. L'homme à la bouche de carpe
Pierre Quillard : Les Poèmes
Rachilde : Les Romans
Jean de Gourmont : Littérature
Edmond Barthèlemy : Histoire
Henri Mazel : Science social
A. van Gennep : Ethnographie, Folklor
Charles-Henri Hirsch : Les Revues
R. de Bury : Les Journaux
André Fontainas : Les Théâtres
Jean Marnold : Musique
Charles Morice : Art moderne
E. Séménoff : Lettres russes
H. Messet : Lettres néerlandaises
Jacques Daurelle : La Curiosité
Mercure : Publications récentes

Echos

Tables de l'Année 1910


LITTERATURE

Masson-Forestier : Autour d'un Racine ignoré, 1 vol. in-8, 7,80, « Mercure de France ». — Mélanges de Philologie romane et d'histoire littéraire offerts à M. Maurice Wilmotte. 2 vol. in-8, Champion. — Ph. Emmanuel Glaser : Le Monument littéraire. Petite chronique des lettres, 1909. 1 vol. in-18, 3,50, Ollendorff. — Lamartine, Œuvres choisies : Poésies, par René Waltz. 1 vol. in-18, 3,50, Hachette. — Alphonse Lefebvre : L'Inconnue de Prosper Mérimée, sa vie et ses œuvres authentiques… 1 vol. in-18, 3,50, Sansot.


LES REVUES

Les Documents du Progrès : M. A. Naquet annonce la mort de toutes les religions. — Les Entretiens idéalistes : un poème de Mme E. Delebecque. — Revue de Paris : un chant populaire russe sur l'invasion française. — La Revue du Mois : Jules Renard lycéen, par M. J.-M. Dumont. — Le Correspondant : M. Georges Clemenceau avant la guerre de 1870. — Miscellanées : sonnet inédit d'Albert Glatigny. — Memento.


LES JOURNAUX

Une prétendue œuvre inédite de Racine (l'Eclair, 1er décembre). — Anniversaire de Claude Monet (la Dépêche, 22 novembre). — Trois femmes pour l'Académie (l'Intransigeant, novembre et décembre).

L'abbé Bonnet, dont il a été récemment question à propos de Racine, vient encore de faire une trouvaille de même sorte. Cette fois il ne s'agirait de rien de moins que d'une tragédie inconnue dont le manuscrit se trouve à Saint-Pétersbourg. Cette tragédie a pour titre Pharaxane, et l'héroïne s'appelle Roxane, comme dans Bajazet : c'est cela peut-être qui a troublé le jugement de l'abbé Bonnet. Voici comment elle parle au début du troisième acte :

ROXANE

Quelque part en ces lieux que je porte la vue,
Tout redouble l'effroi dans mon âme éperdue ;
Tout augmente mes maux : l'inexorable sort
M'offre de tous côtés ou la honte ou la mort.
Pourquoi cet appareil d'une nouvelle fête,
Ces gardes assemblés, ce trône qu'on apprête,
Ce conseil qu'on prépare, et, d'un zèle pieux,
Pourquoi multiplie-t-on les offrandes aux dieux ?
Quelque danger soudain menace-t-il l'Empire ?
N'est-ce que contre moi qu'un barbare conspire ?
De me voir dans les fers son courage est-il las ?
A-t-il enfin fixé le jour de mon trépas ?
Mais pourquoi ces festons ? Veut-on, en sacrifice,
Offrir mon sang au Ciel pour le rendre propice ?
O mânes de mon père, égorgé dans ces lieux,
Cendres, sacré trésor, restes de mes aïeux,
Suis-je enfin en ce jour, destinée à vous suivre ?
Ou bien, pour vous venger, m'ordonnez-vous de vivre ?
Roxane vous invoque au pied de vos tombeaux ;
Vous, esprits ténébreux, vous, spectres infernaux,
S'il est quelque pitié dans vos demeures sombres.

L'Eclair, à qui M. Masson-Forestier a communiqué ce morceau, a naturellement interrogé l'auteur de Racine ignoré :

Nous demandons à M. Masson-Forestier s'il croit ces vers de Racine.

— Oh ! Je me récuse. Une expertise en poétique excède ma compétence. Ces vers, je me suis borné à les faire passer sous les yeux des personnalités raciniennes qui m'ont paru les plus érudites en matière de poésie du grand siècle, c'est-à-dire, M. Anatole France, — pour qui, on le sait, Racine est un dieu, — et la délicate association de lettrés et de poètes qu'est le Mercure de France.

— Et quel fut leur verdict à chacun ?

— Absolument identique. Le Mercure avait désigné pour le représenter le savant M. Remy de Gourmont. Quand il a connu la réponse de M. Anatole France, M. de Gourmont a déclaré qu'elle traduisait d'une façon trop heureuse sa propre appréciation pour qu'il voulût rien écrire lui-même.

Voici ce que M. Anatole France m'avait fait l'honneur de m'écrire :

« Mon cher Confrère,

Vous voulez bien me demander mon avis sur un monologue d'une tragédie de Pharaxane, que je ne connais pas. Il me semble que vous inclinez à croire que l'auteur de ces vers était jeune, très jeune, quand il les composa. Dans ce cas, vous auriez bien raison. C'est l'ouvrage d'un écolier.

Le vers 8 est faux (multiplie). Les vers 10, 11, 12 sont détestables.

Et cet écolier ne peut être ni Racine enfant, ni un contemporain de Racine : ce n'est pas là la langue qu'on parlait en 1650-1655. Le morceau abonde en formules vulgarisées par les imitations de Racine et me paraît dater du milieu du XVIIIe siècle.

Mais je puis me tromper... Croyez, etc.

Anatole FRANCE. »

Non, M. Anatole France ne se trompe pas, car nul ne connaît plus parfaitement que lui et Racine et la langue française. Il semble d'ailleurs fort bien inspiré de défendre ainsi Racine ; car ce serait une autre façon de le « saboter » que de lui attribuer des œuvres trop inférieures.

M.Masson-Forestier n'a pas voulu se contenter de l'opinion de MM. France et de Gourmont. Il a vu aussi M. Couët, l'érudit archiviste de la Comédie-Française. Pour M. Couët les trouvailles du bon abbé qui, à Saint-Pétersbourg, fouille sans relâche les bibliothèques impériales, lui sont infiniment suspectes. Les réserves présentées par le Correspondant (quand il publia les dix sonnets pieux), celles formulées ici même, lui semblent encore insuffisantes. Ainsi, pour le psautier que M. l'abbé Bonnet attribuait à Racine, M. Couët avait tout de suite retrouvé que les mêmes psaumes avaient été publiés en 1706 par Eustache Le Noble. Sans doute le bon abbé déclare que Le Noble était un voleur, que Racine lui avait confié ces psaumes ; M. Couët n'en croit pas un mot. Les psaumes sont de Le Noble. Aussi la tragédie de Pharaxane, ce nouveau « bloc enfariné », ne lui dit rien qui vaille. Il croit certes qu'on peut encore effectuer des découvertes dans Racine, mais pas du côté de tragédies que le poète aurait enfouies.

§

Je trouve, dans la Dépêche, un magnifique article de Gustave Geffroy sur Claude Monet. En voici la plus grande partie, avec le regret de ne pouvoir le citer en entier. Tout est à méditer dans cette étude, où les mots, qu'on le croie, ne sont pas employés au hasard, comme dans la plupart des dissertations artistiques :

L'anniversaire de Rodin a été fêté comme on l'avait dit, et ce fut vraiment la manifestation touchante et simple que l'on pouvait pressentir, ces fleurs apportées par tous au Penseur du Panthéon. Je voudrais célébrer ici un autre anniversaire, celui de Claude Monet. On ne sait pas que Rodin et Monet sont nés le même jour, le 14 novembre 1840. Ne cherchez pas ce renseignement dans le Dictionnaire des Contemporains, de Vapereau : il n'y est pas. Ne le cherchez pas non plus dans le Larousse : il ne s'y trouve pas davantage. Pas même dans les suppléments du Larousse ? Pas même ! Claude Monet ne figure donc pas dans les dictionnaires. Mais, tenez tout de même pour certain qu'il est né le même jour que Rodin, et admirez la simple coïncidence, qui rapproche ainsi ce grand statuaire de ce grand peintre.

Il n'y a pas à rechercher si leur renommée est égale, si le tableau accroché parmi d'autres tableaux, à la muraille d'un musée public ou d'une galerie d'amateurs, peut être aussi connu et admiré qu'une statue dressée sur une place publique, parmi la foule... Il n'est pas question non plus du vieux jeu des parallèles, qui n'aurait vraiment que faire ici. Rodin et Monet sont deux grands artistes, qui ont tous deux accompli une carrière glorieuse, qui sont tous deux en pleine force de conception et de production, et que nous sommes heureux de posséder parmi nous, que nous devons honorer en leurs œuvres. Pour Rodin, nous aurions dû dresser son Balzac sur une place de Paris. Pour Monet, il devrait avoir une salle à lui dans un musée, où nous verrions croître et décroître la lumière sur les rochers de Belle-Isle-en-Mer, les meules et les peupliers de l'Epte, la cathédrale de Rouen, les ponts de Londres, les palais de Venise. Cette salle n'existe pas, mais l'avenir voudra réparer l'indifférence de ceux qui nous ont précédés, l'impuissance où nous sommes aujourd'hui, et il créera cette salle, ce musée, où la vision de Monet apparaîtra à tous avec sa grandeur et sa profondeur.

Ceux qui croient encore que Claude Monet a prodigué la couleur a tort et à travers, et qu'il ne restera rien de ce qu'ils appellent ses « feux d'artifice », lorsque le temps aura décomposé et détruit les mauvaises couleurs dont se servent tous les peintres d'aujourd'hui, ceux-là se trompent sur la substance et la signification de cette œuvre incomparable. Claude Monet n'est pas surtout un peintre de la couleur, ce qui ne signifierait pas grand'chose. Il emploie tout naturellement des couleurs, pour prendre les aspects colorés des choses. Mais il est de ceux pour lesquels, au contraire, il n'y a pas de couleurs. Il est, par-dessus tout, avant tout, un peintre de la forme déterminée par la lumière. Toute son œuvre crie cette vérité.

Personne, plus que lui, n'a été préoccupé de la mise en place des aspects de la nature sur la toile, et personne n'a réalisé cette mise en place avec plus d'ampleur, plus d'espace, plus d'harmonie, personne n'a vu et établi plus de plans lumineux entre les objets les plus proches et les horizons les plus lointains. Avec lui, qu'il s'agisse d'une falaise penchée sur la mer, des meules de blés espacées sur le champ paisible, des peupliers dessinant un lacis de feuillage sur le ciel d'été, des ponts de Londres perdus dans les brumes des eaux, les fumées des trains et des steamboats, des palais vénitiens couverts de mousse et d'or au bord de l'eau qui passe emportant leurs reflets, c'est toujours un fragment de la Terre roulant à travers l'infini qui nous apparaît. On n'exprime pas cette poésie profonde, ce rêve illimité, sans les avoir en soi, et chaque œuvre de Monet, qui nous surprend comme une apparition grandiose du monde, devient une image expressive de la sensibilité de l'artiste, de son amour pour la beauté des choses.

Je me souviens qu'il y avait chez Stéphane Mallarmé une toile de Claude Monet, un paysage comme entrevu, et pourtant d'une précision délicieuse, un méandre de rivière, une arabesque d'eau à travers la campagne que Mallarmé comparait au sourire de la Joconde. Or, les couleurs disparaîtraient en partie ou entièrement de cette toile, que cette expression de charme magique et de grâce ambiguë subsisterait, parce que la forme est écrite avec une rigueur mathématique, parce que celle forme est déterminée par la lumière et l'ombre, et que les couleurs n'ont rien à voir dans cette construction essentielle, qui manque à tant d'œuvres picturales, et qui est, au contraire, toujours présente chez Monet. Si l'on répond que tout peut disparaître, c'est entendu ; mais les monuments les plus solides ont disparu, et la terre elle-même, sous sa forme actuelle, disparaîtra aussi. Ce n'est pas la question, et nous n'en sommes qu'à la durée probable et possible des œuvres humaines. Il est donc permis de croire et de dire que la couleur amoindrie, presque disparue des œuvres de Monet, il resterait de ces œuvres ce qui reste de somptueuses tapisseries, autrefois claires et éclatantes (on n'a, pour s'en assurer, qu'à regarder leur envers) et qui ont gardé intacte leur beauté de composition et de forme, leur distribution de lumière et d'ombre.

§

M. Bailby, toujours ingénieux a posé aux écrivains cette question : « Si l'Académie française s'ouvrait aux femmes et s'il y en avait trois à y faire entrer, lesquelles choisiriez-vous ? » Il a reçu un grand nombre de réponses, parmi lesquelles il en est de curieuses, en ce qu'elles détonnent parmi le féminisme universel, et banal comme une opinion courante, des littérateurs d'aujourd'hui. Je n'ai pas la série complète de l'Intransigeant sous les yeux, cela a tenu beaucoup de numéros, mais les plus originales me semblent celles de MM.Ch.-H. Hirsch et Fagus. Presque toutes les autres se ressemblent dans — mettons dans leur galanterie. Quand il s'agit des femmes, les plus spirituels perdent tout leur esprit. M. Tailhade sort un peu du sujet ; M. Fagus est un peu sérieux pour une chose si parisienne. Ecoutons M. Ch.-Henry Hirsch :

Nos périssables immortels doivent céder leurs fauteuils, dans un avenir proche, à d'impérissables immortelles. Ils le feront galamment, car c'est une évolution fatale. Quant à désigner à leur choix trois Françaises dignes, par leur bonne conduite dans la vie et la littérature, d'inaugurer le nouvel et définitif recrutement de l'Académie française, permettez que je m'en abstienne Elles sont plus de trois mille qui m'éblouissent par les millions de facettes qu'a leur génie et, si j'y perds toute clairvoyance qu'à Dieu ne plaise que j'y perde aussi le sentiment d'orgueil auquel je dois le plaisir d'écrire des livres où l'on rencontrera les dernières femmes vivantes qui n'ont pas encore décoré d'une plume d'oie leur chapeau. Que toutes les femmes de lettres entrent à l'Académie française, toutes, d'un seul coup, et qu'elles n'en sortent jamais ! — voilà, mon cher Directeur, le souhait que m'inspire le désintéressement le plus ingénu.

Il me semble que j'aurais répondu quelque chose comme cela.

R. DE BURY.


ÉCHOS

Une amélioration du Mercure de France. — Une lettre de M. Paul Léautaud. — L'affaire Germain Nouveau : une lettre de M. M. Saint-Chamarand. — Tolstoy, M. Romain Rolland et Mme Wanda Landowska . — Prix littéraires. — La légende de Cassia et de la pomme d'or. — Poèmes sans R. — La Nonne amoureuse. — Au Cercle International des Arts. — Exposition Tristan Klingsor. — Publications du Mercure de France. — Le Sottisier universel.