LE PETIT BAROMÈTRE

MÉLANCOLIQUE

Que la tourbière les enlise et les dévore, eux nos frères : regardons-les descendre, et quand le sommet de leur crâne vide dépassera seul la ligne de boue, nous mettrons une lourde pierre dessus, de crainte que la terre intérieure ne les revomisse, par dégoût.

REMY DE GOURMONT.

J'ai écrit sur le Cadran :

Encore trop neuf, ce Baromètre ; mieux qu'un autre il prévoit les changements atmosphériques, —deviner, c'est différent, il annonce. Son cercle est petit, — nécessairement rencontre : une dizaine de, pulsations, et c'est fini : le tour fait est à refaire. — Mais j'ai dit : neuf,—d'où, originalité, tout de même, peut-être étrangère.

Mélancolique, certes, de tant de circumnavigations inutiles, il s'illumine quelquefois comme d'un rire aux jours de fleurs, et l'aiguille aux « grand vent » et « froid vif » pointe en dard.

Méfiez-vous, son cadran n'est pas miroir : vous réfléchir ? le mercure manœuvre à glace : des esquisses involontaires, portraicturé moi seul, des ombres, un second plan mal dessiné, puis, pour rire, les anamorphoses connues du bourgeois à la panse d'a. Il voit loin et haut, se fiche de vous : « beau temps » — et il pleut ! — est ironique, on dirait même qu'il bafouille, à rebours va-t-il ? non, il injurie, — il a des envies de vous éclater à la face.

Cependant, malgré quelques cascades et de salon dynamitades, il voit vrai, cet œil de verre en son noyer ciré, — à vous de distraire ses méchancetés.

Dernier après tout : je vous le donne comme il est, s'il ne vous plaît pas, — vous le pourrez briser (René Giraud, « Le petit baromètre mélancolique », Mercure de France, janvier 1898, pp. 116-117).