ÉCHOS

Les Ecrivains tués à l'ennemi. — Mort de Paul Hervieu. — Mort de Henri Fabre. — Une lettre de M. Guillot de Saix. — Extrait du nouveau livre encore inédit de Léon Bloy. — Cosmopolitisme littéraire. — Journaux de tranchées. — « Antiquités. Curiosités. » — Trois petites histoires grecques. — Sur le front allemand. — La poésie allemande et le blocus anglais. — Concerts et spectacles. — Musiciens « alliés » en Allemagne.

[...] Au Cirque Medrano.

— Moi j'adore les clowns !

A cet aveu vous reconnaissez une femme ou un homme du meilleur monde, des blasés qui ne se contentent plus des fades spectacles, des « intellectuels » en un mot.

Il est très bien porté, en ce moment, d'adorer les clowns, dans le monde littéraire et artistique. On ne rougit pas non plus de « découvrir » ses acrobates et les chevaux de cirque. Et le cirque Medrano présente, certains soirs, de brillantes chambrées.

A vrai dire, ce nouveau snobisme date d'avant la guerre. André Gide avait déjà, au printemps 1914, témoigné d'un vif enthousiasme pour les « clowns fantaisistes et parodistes » Derio et Ceratto, ceux-là que nous revîmes, l'autre soir, plus en verve que jamais.

Mais bien avant dès 1911, un poète — il n'y a que les poètes pour avoir de ces jolies idées-là — Fernand Divoire, faisait une enquête dans le Gil Blas, sur la décadence du Cirque. Toute la littérature répondit et émit son avis sur les causes de cette décadence. Il est curieux de relire aujourd'hui ces réponses. Tous, depuis Maurice Barrès jusqu’à Rip, en passant par M. Fernand Gregh et Rosny aîné, attribuèrent la décadence du cirque à l'automobilisme. On cria haro sur la limousine inaccessible aux pauvres gens de lettre.. On s'éleva aux idées générales et on aborda même la politique. Et que d'esprit dans ces joyeuses réponses ! Faute de pouvoir les citer toutes, voici du moins celle de Remy de Gourmont — parce qu'il est mort et aussi parce que sa lettre est pleine de truculence.

Cher Monsieur,

Je ne savais pas que le cirque était en décadence, mais je vous remercie de me l'apprendre : cela me fait beaucoup de peine. Ne pourrait-on pas inscrire les principaux établissements d'acrobatie classique sur la liste des théâtres subventionnés ?

Il faut, en effet, songer aux vieilles citations. Panem et Circenses ne doit pas mourir. C'est ainsi que la Comédie Française nous conserve le mot cocu. La tradition, la culture…

REMY DE GOURMONT.

Panem et Circenses, du pain et les jeux du cirque ! Le peuple parisien, pendant la guerre, et même les gens de lettres, n'en demandent pas davantage.

(Mercure de France, 1-XII-1915, p 791.)