ÉCHOS

L'Enquête du « Gil Blas ». — Les directeurs du Gil Blas ne se désintéressent point de la littérature, et nous ne saurions trop les en féliciter. Ils ont accepté de publier une enquête de MM. Georges Le Cardonnel et Charles Vellay sur le mouvement littéraire, son caractère actuel, son évolution, ses tendances, son prochain avenir probable. MM. Le Cardonnel et Vellay interrogent les poètes, les romanciers, les auteurs dramatiques et les critiques. Le Gil Blas a déjà publié les réponses de MM. Maurice Barrès, Anatole France, François Coppée, Pierre Louys, René Boylesve, Jean Moréas. Cette enquête ne sera évidemment point exempte des tares inhérentes à ce genre d'information ; elle sera pourtant curieuse, et, pour qui sait lire, instructive. Le public qui aime à se renseigner sur les choses de l'esprit trouvera un peu là, épars, ce que lui donnerait la critique, si les lettres françaises n'en étaient point presque dépourvues depuis si longtemps.

(Mercure de France, septembre 1904, p. 851-852.)

ÉCHOS

L'Enquête du Gil Blas, dont nous avions parlé le mois dernier se poursuit, intéressante, mais avec une lenteur qui lui fait du tort. On lut jadis l'Enquête sur l'évolution littéraire, de M. Jules Huret, comme on lit un feuilleton aux cent aventures, et l'intérêt de la lecture du jour s'augmentait de celui qu'on trouvait à la comparer aux lectures précédentes. Mais le 11 septembre, quand parurent des réponses de MM. Huysmans et Léon Daudet, on avait un peu oublié, vraiment, ce que disait M. Jean Moréas le 27 août. Le numéro du 19 septembre donne les interviews de MM. Paul Adam et Francis Vielé-Griffin.

M. Vielé-Griffin est d'avis que le courant sain et normal de la poésie française n'a pas tant dévié qu'on le suppose, et il ajoute :

« Verlaine fut notre dernier grand poète en date ; son Art poétique reste comme la préface nécessaire aux œuvres bigarrées qui ont suivi la sienne. Or, il ne saurait y avoir de réaction contre une action qui n'a pas accompli sa courbe ; la rénovation du sens esthétique qui s'accomplit diversement de 1885 à 1895 — la plus considérable depuis le romantisme — a fécondé toutes les branches de l'activité artistique et a nourri pour cinquante ans peut-être la cervelle contemporaine. Quitter la cathèdre des esthètes pour se mêler aux choses vivantes, les Fleurs du Mal pour les Fleurs de bonne volonté, laisser l'académisme pour le plein air, le musée pour la nature ; chercher, en l'en débarrassant des gravats « classiques », le sol ferme et franc ; remonter, par delà un naïf romantisme et une pseudo-renaissance, aux siècles français, notamment au treizième ; comprendre son classicisme, c'est-à-dire l'adéquation de la forme à la pensée, le mépris du détail oiseux et purement décoratif, la construction solide, hardie et une, des cathédrales, et reconnaître dans la poésie populaire l'expression intime et vitale — classique encore — de la patrie ; redevenir occidental, renaître, en un mot, non pas Latin, mais Français : voilà une œuvre collective assez vaste et assez variée pour occuper une génération ou deux. C'est elle qui se poursuit à côté des petits phénomènes (écoles, rapports officiels, décorations, concours, interviews et enquêtes) de la vie courante des gens de lettres. »

(Mercure de France, octobre 1904, p. 286-287.)


A consulter :

Remy de Gourmont, « Les Enquêtes littéraires », Mercure de France, 1er janvier 1905, p. 46-53 & Promenades littéraires, 7e série, Mercure de France,1927

Jean de Gourmont, « Littérature », Mercure de France, 1er février 1906, p. 429-431