Jean Florence

Je venais de fonder La Phalange... Louis de Gonzague Frick, propréteur, à Nancy, de cette revue naissante, me mit en rapports avec un étudiant qui était déjà un écrivain. Jean Blum, agrégé, bientôt docteur, ayant fait, cet été de 1906, un voyage en Italie, m'expédia de Florence un article que je publiai, le 15 septembre, sous le pseudonyme, dès lors choisi par le jeune enthousiaste, et qu'il allait illustrer parmi nous. Jean Florence venait de naître au public : il avait vingt-deux ans.

De cette époque jusqu'au 20 mars 1914, cinquante études, de lui, d'importance croissante, se succédèrent à La Phalange ; il faut y joindre un assez grand nombre d'articles, parus dans diverses revues, comme Le Mercure de France, Le Divan, Le Spectateur, Le Parthénon, Les Ecrits Français, La Voce (de Florence) etc. — Deux romans de K. G. Chesterton, Le Nommé Jeudi et Le Napoléon du Notting Hill, traduits et publiés aux éditions de La Nouvelle Revue Française et deux thèses pour le doctorat ès-lettres, consacrées à deux auteurs allemands, complètent la bibliographie de Jean Florence, né à Paris, le 21 novembre 1883, mort pour la France, au combat de Neuville Saint-Vaast, le 6 juin 1915. (Son frère, de quatre ans plus jeune que lui, membre de l'Ecole Française d'Athènes, mobilisé comme lui, fut porté disparu le 28 septembre 1914, à Montauban (Somme). Sa mort ne laisse plus malheureusement aucun doute. Les deux frères étaient fils uniques et leur père était mort, lui-même, cinq ans avant la Guerre.)

Jean Florence, un grand garçon d'une robustesse seyante et parfaitement gai, fut un littérateur non moins acharné dans le labeur d'écrire que Valery Larbaud, lequel hume avec passion sur du papier d'épreuves, l'encre d'imprimerie et s'enferme, avec la canicule, dans des bibliothèques d'Italie. Florence écrivait de jour, mais surtout de nuit, et n'éprouvait que mépris pour tels éphèbes de lettres qui estiment la nuit propice au dormir. Son œuvre est considérable — les seuls articles de La Phalange, réunis, formeraient trois forts volumes in-16. Il ne songeait guère à les recueillir, sachant que son œuvre littéraire n'était qu'une des ivresses de sa vie. Elle est, en effet, cette œuvre, l'improvisation émouvante d'une philosophie vitale dont son auteur était comme possédé. Aussi sa disparition laisse-t-elle un vide plus grand, en un sens, que celui de Charles Péguy, robuste et merveilleux artisan, et grand artiste du verbe [...].

Jean Royère, préface de Le Litre et l'Amphore de Jean Florence, collection La Phalange, Albert Messein, 1924, pp. 5-6.


Les écrivains tués à l'ennemi. — On a annoncé la mort de Jean Florence. Jean Florence était un jeune philosophe, professeur en province et partisan passionné de M. Bergson. Il collaborait abondamment à la plupart des revues littéraires, à la Phalange, aux Ecrits français, etc. C'est à la Phalange qu'il avait pris contre M. Julien Deude la défense du Bergsonisme (Mercure de France, 1er novembre 1915, p. 586).


M. Jean Royère a donné sous ce titre, Le Litre et l'Amphore, un recueil qui ressuscite, sous son triple aspect d'essayiste, d'esthéticien et de philosophe, la haute et intelligente figure de Jean Florence porté disparu, le 6 juin 1915, au combat de Neuville-Saint-Vast. Jean Florence, qui avait été, en 1910, le premier en France à parler de Samuel Butler, nous avait déjà fait mieux connaître Synge, un Irlandais, Selma Lagerlöf, une Suédoise, Miguel de Unamuno, un Espagnol, tous littérateurs étrangers assez peu connus des Français de ce moment. Toute l'œuvre de Jean Florence est animée de cette noble curiosité. Il avait, de plus, donné deux remarquables traductions des romans de G.-K. Chesterton : Le Nommé Jeudi et le Napoléon de Notting Hill (J. Valmy-Baysse, L'Ami du lettré 1926, Bernard Grasset, p. 36)