Paul Lombard, par Don (L'Ami du lettré pour 1924)

Les Courriéristes

Paul Lombard

Né à Marseille le 24 juillet 1889, Paul Lombard, qui est à la fois le secrétaire général et le courriériste (Louis Méritan) de l'Homme libre, est le fils de Jean Lombard, le romancier de Byzance et de l'Agonie et d'Alexandrine Rosé Meynier. Notons en passant que plus d'une tentative fut faite auprès de notre confrère pour que, à la faveur de ces deux noms (Lombard et Meynier), célèbres dans le commerce du chocolat, il se prêtât, des contrefaçons plus ou moins discrètes. Paul Lombard, qui est le plus actif des hommes, et qui était encore l'an dernier l'un de ces obèses salués par Henri Béraud en tête de son Martyre,— mais depuis une sage gymnastique suédoise a ramené Lombard aux proportions d'un homme « fort » — est aussi critique dramatique de la Renaissance et de la Meuse, ce qui ne l'empêche point de collaborer à vingt journaux, à dix revues et d'écrire chaque année un volume de contes ou un roman, plein d'une verve étonnante, et d'un humour sain, puissant, ordonné.

C'est ainsi qu'il a déjà fait paraître le Cabaret du Nervoso, les Contes de la mise en botte, le Village en folie, Salivard Ier, et qu'il a dans ses cartons, ou sous les presses des éditeurs, quatre romans : le Remords, la Maison sans nom (v. Alm. d. L. F. et E., 1924,1, page 56), l'Homme aux cent portefeuilles, enfin Feodor le brutal. Sans compter une grande enquête qu'il vient de terminer sur la mobilisation industrielle en cas de guerre et qu'il appellera la Guerre pour tous, sans compter encore un charmant Petit traité de l'éloquence parlementaire.

Il est curieux de noter que Lombard débuta dans les lettres par des pièces en cinq actes et en alexandrins pesants et sonores, dont l'une au moins est, dit-il volontiers en souriant, un pur chef-d'œuvre : Hippodamie. Espérons donc qu'Hippodamie tentera quelque grand directeur !

Pendant la guerre, Lombard fut, à l'Heure, à la fois secrétaire général et critique militaire : c'est lui qui, sur la recommandation d'André Salmon et de Jacques Dyssord, fit débuter dans de rapides reportages le jeune Raymond Radiguet. Or, c'est un souvenir bien amusant aujourd'hui, les reportages de Radiguet étaient si mauvais qu'ils ne passaient jamais et comme le débutant était payé à la ligne, Salmon, Dyssord et Lombard 1e laissaient piger leurs propres articles pour qu'il pût à la fin du mois passer utilement à la caisse du journal. C'est encore à l'Heure, sous le secrétariat de Lombard, que Pierre Mac Orlan inaugura une rubrique de faits divers : assassinats, suicides, viols, etc., considérés du point de vue technique.

Que si nous demandons maintenant à Paul Lombard ce que, lui, vieux professionnel, pense respectivement du courrier littéraire et de la critique, il nous trace entre eux une ligne de démarcation parfaitement nette :

— A mon avis le courrier littéraire doit être quotidien, s'il est possible, ou au moins passer sous les yeux du lecteur deux, trois fois par semaine. S'il est hebdomadaire il peut avoir tendance à doubler ou concurrencer la critique. Or, ce sont deux choses complètement différentes. Le critique juge du haut de son point de vue, selon les lois particulières qu'il s'est forgées. Le critique a créé une religion qui est la sienne. A travers sa critique on voit le bonhomme se profiler avec ses partis pris, sa politique et ses panacées.

Le courriériste littéraire informe, tient le public en haleine, il est homme d'esprit puisqu'il donne souvent à son information une allure d'écho. C'est un gazetier. Il crée, à l'usage du public, une atmosphère littéraire. Il entretient l'agitation et sert, par conséquent, d'une manière efficace, les lettres. Il agit directement sur la sensibilité du public. Donc il sert aussi le critique. Peu de critiques seraient lus et même compris, et même supportés, actuellement si le courrier ne volait régulièrement à leur secours. »

On ne saurait, croyons-nous, mieux dire.

Almanach des lettres françaises et étrangères,
Ed. Georges Crès, jeudi 3 avril 1924, p. 9.