Journaux et Revues

Le premier numéro du « Mercure de France »

Le premier numéro du Mercure de France (du Mercure d'Alfred Vallette) parut le 1er janvier 1890. Il avait déjà ses locaux, 26, rue de Condé. Ses fondateurs étaient :

G. Albert Aurier, Jean Court, Louis Denise, Edouard Dubus, Louis Dumur, Remy de Gourmont, Julien Leclercq, Ernest Reynaud, Jules Renard, Albert Samain, Alfred Vallette.

De 1890 à mai 1894, il fut édité par une société en participation, dont le directeur-administrateur fut, dès le premier jour, Alfred Vallette. Il paraissait alors sur 32 à 48 pages par mois (car il ne devint bi-mensuel qu'à partir du 1er janvier 1905), format actuel, couverture mauve, comme aujourd'hui, et il était vendu 0 fr. 40. Il est actuellement bi-mensuel, se vend 3 fr. 50 et paraît sur 288 pages. On voit le chemin parcouru. La collection du Mercure forme 612 numéros (jusqu'à la fin de 1923), brochés en 168 tomes. C'est une volumineuse bibliothèque et une inépuisable source de documents.

On peut noter que les chroniques du Mercure — qui firent tant pour sa gloire — et qui furent successivement la Revue du Mois et la Revue de la Quinzaine, ne remontent qu'à 1896. Jusque-là, elles étaient disséminées dans la revue et n'avaient pas de titulaires spéciaux. La formule inventée par le Mercure a eu le succès que l'on sait et l'on peut bien dire qu'elle a été très imitée depuis : « c'est, dit Vallette, du journalisme criblé », c'est-à-dire débarrassé de tout ce qui est par trop éphémère.

La liste des collaborateurs du Mercure serait une véritable histoire des lettres françaises e t étrangères. Y ont tenu le sceptre de la critique littéraire MM. Henri de Régnier, Robert de Souza, Pierre Quillard, Georges Duhamel, et aujourd'hui, Rachilde (depuis 1890), André Fontainas, Jean de Gourmont, Emile Magne. Critiques dramatiques : A. Ferdinand Herold, André Fontainas, Maurice Boissard, Henri Béraud, Pierre Scize. Critiques d'art : Charles Morice, Tristan Klingsor, Camille Mauclair,Y. Rambosson, Virgile Josz, Gustave Kahn. Quant aux feuilletonnistes du Mercure, on ne peut que citer, au hasard des souvenirs : Henri de Régnier, Remy de Gourmont, Louis Dumur, Francis Jammes, Emile Verhaeren, Francis Viélé-Griffin, Mme Rachilde, Jules Renard, André Gide, André Fontainas, A.-FerdinandHerold, Charles Guérin, Charles-Henry Hirsch, Alfred Jarry, Laurent Tailhade, Louis Le Cardonnel, Pierre Louys, Marcel Schwob, Camille Mauclair, Henri Mazel, Charles Merki, Stuart Merrill, Henri Albert, Jean de Tinan, Pierre Quillard, Charles Morice, Ernest Reynaud, Saint-Pol Roux, Albert Samain, Alfred Vallette, Jean de Gourmont, Edmond Barthélemy, Henri Béraud, Georges Bohn, Léon Béluzou, Léon Bloy, Gaston Danville, Henry-D. Davray, Eugène Demolder, Jules de Gaultier, André Rouveyre, Philéas Lebesgue, Virgile Josz, André Lebey, Jean Marnold, Péladan, Hugues Rebell, Fernand Séverin, Gustave Kahn, Maurice Boissard, Georges Duhamel, Marcel Boll, Camille Vallaux, Pierre Dufay, Gabriel de Lautrec, Auguste Marguillier, Adolphe Retté, A. van Gennep, Pierre-Paul Plan, docteur Voivenel, Emile Magne, Guy-Charles Cros, Paul Claudel, Ch.-Louis Philippe, J.-W. Bienstock, docteur Couchoud, général Cartier, Alexandre Arnoux, Mac Orlan, Guillaume Apollinaire, Gabriel Brunet, Maurice Garçon, André Billy. etc., etc.

Sans oublier que c'est le Mercure qui publia le premier roman de Pierre Benoit, son meilleur : Kœnigsmark.

Le programme du Mercure a toujours pu s'énoncer en peu de mots, en deux exactement : Ecrire librement. C'était la formule de 1890, c'est encore celle de 1924.

Et pour être à peu près complet, n'oublions pas de signaler que, du 15 août 1914 au 1er mars 1915, le Mercure de France ne put paraître ; que, en 1915, il revint — nécessité fait loi — à un numéro par mois, qu'il a les trois cinquièmes de sa vente en France et le reste à l'étranger, notamment en Belgique, aux Etats-Unis et en Scandinavie, qu'enfin il a été fort censuré pendant la guerre et que, depuis la guerre, il a passé deux fois en correctionnelle : une fois à Nancy, pour le Boucher de Verdun, de Louis Dumur, une fois à Paris, pour un article de Henri Béraud, qui avait traité une comédie de Gandera de « saloperie en trois alcôves ».

(Jeudi 21 février, 1924, p. 205).