La déformation des titres dans les commandes de librairie. — On cite de temps à autre, isolément, la déformation amusante du titre d'un ouvrage dans une commande faite par un libraire à un éditeur. Voici une collection de ce genre de curiosités, réunie au cours de plusieurs années. Ces déformations, d'ailleurs presque toutes à base d'ignorance, sont de même famille et cependant différentes ; de leur classification on pourrait sans doute tirer sur les opérations de l'esprit, de la mémoire, de l'imagination, etc., des conclusions intéressantes, ce dont nous nous garderons bien. Les unes, les plus nombreuses, sont auditives : au cours de sa visite, le client a dit un titre au libraire, qui n'en a pas pris note immédiatement ; le client parti, il ne reste dans l'oreille du libraire que de vagues sons, et il commande Le Vigneron dans sa fille pour Le Vigneron dans sa vigne ; il arrive aussi qu'il ait mal entendu et, sans y voir de malice, il demande Charientor pour Le Chariot d'or, ou Les Rôtisseurs de ponts pour Les Bâtisseurs de ponts. D'autres sont d'un ordre plus relevé, elles sont imaginatives : quand le client a prononcé Jardin de l'Infante, le libraire a évoqué une propriété magnifique où réside une souveraine, et, ne se rappelant plus les mots du titre, il commande Le Parc de la sultane. D'autres sont l'interprétation par le libraire du seul mot qui l'a frappé, n'ayant retenu des autres qu'une assonance approximative ; dans Trésor des Humbles, il se rappelle exactement Trésor ; il ne trouvera pas Humbles, parce que ce mot est sans rapport avec la richesse d'un trésor, mais comme il a ouï parler des richesses de l'Inde et qu'il y a assonance entre Inde et humble, il commande le Trésor des Indes. D'autres procèdent de l'obsession du rapprochement fréquent de certains mots, et le libraire demande Lettres persanes pour Lettres à Sixtine, ou Source du Fleuve bleu pour Source du Fleuve chrétien. Il y a enfin, comme on va le voir, des déformations assez compliquées, et il en est qui tiennent de l'association d'idées, voire du rébus. Mais nous ne pousserons pas plus loin un essai de classification sans objet. Passons aux textes.

Georges Duhamel : Le Mémorial des Couchoirs (de Cauchois).

Jules de Gaultier : De Kant à Nickoche (à Nietzsche).

Binet-Valmer : Le Sphinx de glace (de plâtre).

Durien (Gide) : Le Voyage suivi de Paludes (Le Voyage d'Urien suivi de Paludes).

H. de Régnier : Juridique (Jeux rustiques) et divin.

Demalder : (Demolder) : Les Pâtres (patins) de la reine de Hollande.

Tailhade : Poèmes Aristo fan est (aristophanesques).

Villiers de l’Isle : Adam et Eve future (L'Eve future).Cesar san? Telli (César Santelli) : Deschanel (Duhamel).

H. de Régnier : La Cité des Fontaines (des Eaux).

H. de Régnier : Le Miroir des Fleurs (des Heures).

Gide : La Porte étoilée (étroite).

Samain : Charientor (Chariot d'or).

Léon Bloy : L'Office (Le Fils) de Louis XVI.

Maynial : La Vie et le Guide Maupassant (La Vie de Guy de Maupassant).

Duhamel : Le Miroir de l'avenir (Scènes de la Vie future).

F. Jammes : Les Géographies (Géorgiques) chrétiennes.

Villiers de l'Isle-Adam : Chez les parents (passants).

Rachilde : Terre (Tour) d'amour.

F. Jammes : Feuilles emportées (Feuilles dans le vent).

Wells : Les Amours de M. Lowencon (L'Amour et M. Lewisham).

Demolder : Les Routes de Mérode (La Route d'Emeraude).

A. Samain : Polyphèse (Polyphème).

J. Renard : Le Vigneron dans sa fille (sa vigne).

Polti : 36 situations domestiques (dramatiques).

Wells : La meilleure (merveilleuse) visite.

Wells : L'Idée (L'Ille) du Docteur Moreau.

Wells : Plan (Place) au géants.

H .de Régnier : L'homme (Flamma) tenax.

R. de Gourmont : Les Cheveux (Chevaux) de Diomède.

R. de Gourmont : Le Festin (Latin) mystique.

V. Haeren (Verhaeren) : Les Forces tumultueuses.

Marie et Jacques Nervat : Les Rêves de nuit (Rêves unis).

Dujardin : Source du Fleuve bleu (Fleuve chrétien).

Eekhoud : Le Siècle (Cycle) patibulaire.

Eekhoud : La Cigale (Cycle) patibulaires.

Van Bever et Léautaud : Pour être contemporain (Poètes d'aujourd'hui).

J. Ochsé : Gros fils (Profils) d'or et de cendre.

Metzche (Nietzsche) : Zarathubia (Zarathoustra).

Pergaud : La guerre des démons (Boutons).

Masson (Lasserre) : La Doctrine officielle de l'Université.

M. Maeterlinck : Le Trésor des Indes (Humbles).

Zweig : Fechaerès (Verhaeren).

Pergaud : La danse (guerre) des Boutons.

R. de Gourmont : Lettres à la maison (à l'Amazone).

Berrichon : Arthur Bimbard (Rimbaud).

Demosthène (Demolder) : La Route d'émeraude.

H. de Régnier : Portraits de Souverains (Portraits et souvenirs).

H. de Régnier : Sainphin bleu (L'Amphisbène).

Louis Dumur : L'Equatoriale (La Nébuleuse).

André Gide : Le Repos de la terre (Les Nourritures terrestres).

Lucien Jean : Parmi les Hormès (les Hommes).

Nietzsche : Zaiathomska (Zarathoustra).

1 Sypar : Lezathouska (Ainsi parlait Zarathoustra).

Clinsor (Klingsor) : La partie de cartes (Le Valet de cœur).

Van Gennep : Le problème de l'allaitement (La question d'Homère) (1).

Van Genette (Van Gennep) : La Question d'Omer (d'Homère).

Verhaeren : Villes toutes en Caire (tentaculaires).

Samain : Le Jeudi de l'Infante (Au jardin de l'Infante).

Marsand : Canals (Mars et ses Canaux) (2).

L. Tailhade : Aristophanis (Poèmes aristophanesques).

Samain : La Femme polie (?).

Louis Maeterlinck : Péchés mignons (Péchés primitifs).

Jammes : Cloches pour deux ménages (mariages).

Rachilde : Hors d'œuvre (Hors nature).

H. de Régnier : Pédaleurs du Temps (Couleur du Temps).

Pour terminer, trois cocasseries étrangères aux commandes de librairie, mais qui ont avec elles une parenté. Un libraire d'occasion, voulant informer le public que son catalogue est envoyé sur demande, mentionne : Catalogue sur mesure. — Lors de l'annonce à la Bibliographie de la France d'une mise en vente importante, un grand éditeur désire faire savoir aux libraires que les commandes seront servies dans l'ordre de leur réception ; il indique : Les commandes seront servies dans l’ordre alphabétique. — L'adresse d'une lettre que nous avons reçue d'une institutrice française était libellée : Société Dumerqure de France. — A. V.

(1) Processus probable : La question des mères, l'allaitement.

(2) Titre en anglais Mars and Canals. Les deux premiers mots liés sont pris pour le nom ce l'auteur.

(« Echos », Mercure de France, 1er mai 1932, p. 763-765.)

Y a-t-il encore des Sphénopogones ?Sphénopogones, c'est-à-dire, étymologiquement, qui portent la barbe en pointe. Sous ce vocable se groupèrent aux environs de 1887 une vingtaine de personnalités, en un dîner sans périodicité régulière, mais qui avait encore lieu peu de temps avant la guerre. Jules Lemaître, Ludovic Halévy, Camille Saint-Saëns, Jules Claretie, J.-M. de Heredia, Henri de Bornier, Jean Richepin, Poilpot, les docteurs Robin, Budin et Pozzi, les politiques Léon Bourgeois, Constans, Rouvier, Poincaré, Barthou, appartinrent à cette association où les formalités d'entrée exigeaient, entre autres choses, l'unanimité des voix plus une — celle du candidat.

Les réunions étaient des plus mystérieuses. On alla jusqu'à raconter (Matin du 24 août 1907) que les convives y revêtaient « un masque et une dalmatique de couleur éclatante, et, ainsi affublés, s'organisaient en une sorte de tribunal de la Sainte-Vehme pour juger et taxer de peines disciplinaires, d'un ordre tout spécial, les affiliés inexacts. Les plus récalcitrants étaient mis d'abord « en sommeil », ensuite en léthargie, puis enfin en coma, et, si leur abstention se prolongeait, en mort. »

Aujourd'hui que les barbes en pointe se font rares, les sphénopogones trouvent-ils encore des adhérents ? Tiennent-ils encore leurs assises ? Leur tribunal est-il toujours aussi sévère ? Ah si MM. Poincaré ou Barthou pouvaient parler ! — L. Dx.

(« Echos », Mercure de France, 15 novembre 1930, p. 253.)

Rabelais fasciste. — Les éditions Formiggini, de Rome, viennent de publier la première traduction italienne complète des œuvres de Rabelais, dans la collection des Classiques du Rire. Les cinq volumes dans lesquels l'ouvrage est distribué sont d'une très belle présentation. Mais l'une des annonces éditoriales peut paraître assez inattendue. Elle est ainsi rédigée :

Que les Faisceaux de Combat achètent pour leur bibliothèque l'œuvre immortelle de Rabelais : Gargantua et Pantagruel, première version intégrale en italien par Gildo Passini. Rabelais peut être considéré comme le précurseur de la devise sacrée du Fascisme : Je m'en fous ! Et il fut à sa façon un fasciste très, mais très sympathique.

Tout est dans tout !

(« Echos », Mercure de France, 1er octobre 1926, p. 255-256.)

Le catalogue de Fortsas, Rénier Chalon et les Agathopèdes. — La publication récente d'un livre fort complet sur l'étonnante escroquerie commise en 1862 par le faussaire Vrain-Lucas au préjudice de Michel Chasles (Cf. Le Parfait Secrétaire des grands hommes, par Georges Girard. A la cité des livres, 1924) a permis de rappeler le catalogue de Fortsas, une autre mystification qui, pour être moins colossale, n'en fut pas moins très savoureuse. En outre, différence essentielle avec Vrain-Lucas, Rénier Chalon, l'auteur du catalogue, numismate et historien belge, né à Mons en 1802, mort à Bruxelles en 1889, était d'une honorabilité absolue et le caractère de sa supercherie resta purement spéculatif.

Cette supercherie se présentait ainsi :

Catalogue d'une très riche mais peu nombreuse collection de livres provenant de la bibliothèque de feu M. le comte J.-N.-A. de Fortsas, dont la vente se fera à Binche le 10 août 1840, à onze heures du matin, en l'étude et par le ministère de Me Mourlon, notaire, rue de l'Eglise, n° 9.

Ce catalogue est devenu une curiosité bibliographique des plus rares. Il se composait de livres précieux dont les titres, les dates d'impression, les noms d'auteurs, d'imprimeurs et de relieurs attirèrent les bibliophiles des principales villes d'Europe. Tout était inventé, mais inventé avec une telle science que les plus savants ne s'aperçurent de rien ; les plus érudits bibliothécaires et bibliophiles en furent dupes, notamment le baron Reiffenberg ; la princesse de Ligne voulut acquérir à tout prix le n° 48, « ce moment des fredaines de son polisson de grand père ».

Il fut réédité en 1856 — à deux cents exemplaires — Bruxelles, imprimerie Leemans, in 8 ; puis Rénier Chalon publia, en un grand in 8, l'historique de la mystification sous le titre Documents et particularités historiques sur le catalogue da Comte de Fortsas (Mons, Hoyois. s. d.).

Rénier Chalon avait, en outre, fondé, en 1850, une Société qui fit beaucoup parler d'elle : les Agathopèdes, club de littérateurs et d'artistes qui ouvrit des concours à la fois burlesques et savants. C'est ainsi que pour être reçu, il fallait soutenir une thèse juridique de ce genre :

« L'adultère commis sur un mur mitoyen peut-il être considéré comme ayant été consommé au domicile conjugal ? »

Ou bien une thèse scientifique comme celle-ci :

« Pourquoi la fumée, en s'élevant dans l'air, décrit-elle des volutes de gauche à droite, tandis que l'eau, s'élevant d'un trou percé dans une tonne, décrit une hélice de droite à gauche ? Donner la raison de ces deux phénomènes, en apparence contradictoires. »

Rénier Chalon a laissé de nombreux ouvrages dont la bibliographie occupe plusieurs pages dans les Notices biographiques et bibliographiques concernant les membres de l'Académie royale de Belgique (Bruxelles, 1877). On y trouve : La Chronique du bon chevalier Messire Gilles de Chin (Mons 1837) ; Les mémoires de Messire Jehan, Seigneur de Haynin et de Louvignies (Mons, 1842) ; Recherches sur les monnaies des Comtes de Namur (Bruxelles, 1860) ; Les seigneurs de Florennes, leurs sceaux et leurs monnaies (Bruxelles, 1868), etc., etc.

Mais le plus beau titre de gloire de Rénier Chalon ne sera-t-il pas, pour la postérité, la publication du catalogue de « feu M. !e Comte J.-N.-A. de Fortsas ? » — L. Dx.

(« Echos », Mercure de France, 15 août 1924, p. 287-288.)

Descendants ou Homonymes. — A la liste, déjà longue, des commerçants parisiens qui portent des patronymes célèbres dans la littérature, et que nous avons publiés, il convient de faire un addenda, en faveur de :

CERVANTÈS, antiquaire, 24, rue Victor-Masse.

Ajoutons que cet antiquaire a fait sa spécialité des casques, objets hispano-mauresques et, naturellement, des fers de lances.

(« Echos », Mercure de France, 15 février 1924, p. 288.)

« Après avoir lu votre article mycologique, j'y ai trouvé une si intéressante saveur. — m'écrit M. Léon Riotor, que je me permets de recopier à votre intention une des menues notations rimées de mon « Journal de route » d'artilleur. Elle a été prise en 1917, en Champagne. »

Aux maussades terrains de ces lieux désolés
La nature a donné des champignons superbes,
Leurs régiments épais ont remplacé les herbes
Dans l'ordure de ces fumiers amoncelés...

Au printemps j'ai cueilli, de mousse revêtue,
La psalliote amadou pour la pipe des gueux,
Et découvrant soudain ses losanges rugueux
La discrète morille, enrhombe ou bien pointue ;

Des heures j'ai, cherché, mais quelquefois en vain,
La lépiote pudique et l'exquise coulmelle,
La girolle menue et sa jaune lamelle .
Et la rusulle verte ou bien couleur de vin,

L'oréade gracile et l'agaric champêtre
Groupant sa coupe rose en bouquets parfumés,
Et les lycoperdons dans le chiendent semés
Au pied des noirs débris suintant le salpêtre ;

Dans les sols labourés les coprins chevelus,
Fragiles sous les doigts qu'ils touchaient de leur encre,
Rappelant le lointain lycée à l'ancien cancre
Et des instants joyeux qui ne reviendront plus !

Les hydnes, qu'on dit « pieds de mouton » en granules,
Les lactaires poivrés, les humbles mousserons,
Les cèpes de sapins, vernis, à chapeaux ronds,
La craterelle mauve ouverte en campanule ;

Les clavaires barbus, roses, jaunes, dorés,
L'amanite, l'oronge et les pratelles franches,
D'un goût délicieux en leurs moelles blanches
Et même les « césars » de crottins entourés !

A l'automne, plus tard, j'ai cueilli sous les chênes
Les fiers bolets ligneux et les cèpes charnus
Dont le pédoncule ample à peine est retenu
Par le tapis frisé du fucus qui l'enchaîne,

Les pésylles encore, au nom d'« oreilles d'ours »…
Et que d'autres, vraiment, sous mon couteau rapace,
Tandis que le canon apostrophait l'espace
En éraflant le bled de quelques obus lourds...

Parfait, mais si le pésylles du dernier quatrain se régularise aisément en pésizes, je laisse au distingué poète le soin d'expliquer ce qu'il entend avec sa psalliote amadou.

(Marcel Coulon, « Mycologie », Mercure de France, 1er novembre 1923, p. 486-488.)

Descendants ou Homonymes ? — À la liste, déjà longue pourtant, que nous avons publiée ici, des marchands établis dans Paris et qui portent des noms illustres dans la littérature, il convient d'ajouter encore.

Le voyageur, qui, venant du Centre, par l'autobus Clichy-Odéon descend à la station de la Place Clichy, aperçoit tout de suite à main droite, tout à côté d'un grand café, une porte modeste, peinte en marron, dont le sommet affecte une forme de plein-cintre.

Du plâtre et de la poussière recouvrent l'unique marche qui donne accès à l'intérieur de la maison.

Au fond d'un couloir obscur se balance un écriteau :

Pour tous renseignements
S'adresser au café Michel.

Sur la façade, étroite et grise, figurent deux plaques de faïence bleues portant en blanc, l'une le numéro 138, — car nous sommes ici au 138 de l'avenue de Clichy, — l'autre cette indication qui orne la plupart des immeubles parisiens :

Gaz à tous les étages.

Sur le côté gauche de la porte, une plaque blanche celle-là porte en lettres bleues :

Mme FLAUBERT
Conseils
Reçoit de 2 h. à 6 h.
3e étage
English Spoken.

Au moment où on cherche les « sources » de Madame Bovary, sans doute conviendrait-il de s'adresser à l'homonyme de l'auteur de la Tentation de saint Antoine. Les dons de seconde vue que possède certainement Mme Flaubert lui permettraient d'apporter d'utiles et décisives précisions sur le point controversé, et elle nous dirait de façon définitive qui a servi de type à Mme Bovary.

(« Echos », Mercure de France, 15 mai 1922 , p. 287-288.)


Descendants ou homonymes. — Nous avons signalé l'existence, 138, boulevard de Clichy, de Mme Flaubert (Conseils, de 2 h. à 6 h., English Spoken). Notre confrère Paul Lombard (L'homme libre) donne à ce sujet des renseignements complémentaires qui ne sont pas sans intérêt.

Paul Lombard, accompagné de A. t'Serstevens, a sonné un jour, avant la guerre, à la porte, de Mme Flaubert. Et voici ce qu'il apprit :

Elle nous a reçu, si j'ose dire, entre sa porte et son paillasson, laissant filtrer un filet de voix pour nous déclarer : 1° qu'elle ne recevait que sur rendez-vous ; 2° qu'elle ne recevait que les femmes ; 3° qu'elle ne recevait que les personnes ayant déposé au préalable une provision ; 4° que l'auteur de Madame Bovary lui était inconnu et, renseignement dont elle tenait à souligner le caractère philanthropique, qu'elle ne répondait jamais aux questions imbéciles...

(« Echos », Mercure de France, 1er juin 1922, p. 571.
)

Descendants ou homonymes. — Sous ce titre nous avons signalé (Mercure de France, 15 mai 1922) la présence au 138, boulevard de Clichy, d'une Mme Flaubert. Une plaque posée sur le côté gauche de la porte de la maison annonçait que Mme Flaubert habite le troisième étage, parle anglais, reçoit de 2 heures à 6 heures, donne des conseils, etc.

Depuis cette date, la façade, qui était alors « étroite et grise » est restée étroite, mais elle est devenue blanche.

La porte, qui était peinte en marron, est peinte en bleu et la plaque relative à Mme Flaubert a disparu.

Eh quoi, cette homonyme du maître de Croisset aurait-elle cessé de « donner des conseils » ?

Qu'on se rassure.

Il suffit de lever les yeux vers les fenêtres du troisième étage. A l'une d'elles, collés contre les vitres, voisinent la dame de pique et le valet de cœur, le roi de trèfle et la dame de carreau, précisant ainsi la nature des conseils que peut donner Mme Flaubert, qui continue à recevoir de 2 heures à 6 heures et qui toujours… english spoken. — L. Dx.

(« Echos », Mercure de France, 1er octobre 1922, p. 288.)

Les héroïnes de M. Pierre Benoît. — A-t-on remarqué que les héroïnes principales des romans de M. Pierre Benoit portent un prénom commençant par la lettre A ? Aurora dans Kœnigsmark ; Antinéa dans l'Atlantide ; Allegria dans Pour don Carlos ; Annabel dans le Lac Salé. Faut-il voir là un fétichisme particulier ?

Non, l'auteur veut simplement répondre ainsi à un critique qui lui avait reproché, après l’Atlantide — ce qui alors n'était qu'un hasard, — de donner des prénoms commençant par un A à ses héroïnes.

— C'est bien, décida M. Pierre Benoit, désormais le principal personnage féminin aura toujours dans mon roman cette caractéristique.

(« Echos », Mercure de France, 15 novembre 1921, p. 287.)

Les beaux faits divers. — De La Croix, numéro du samedi 6 août 1921 :

NE BRISEZ PAS L'AVERTISSEUR

Après interrogatoire en présence de Me Robert Lœwe, M. Marti, juge d'instruction, a envoyé à la Santé le jeune Barthel, qui, rue Vandrezanne, ayant appris qu'un passant se plaignait d'avoir le feu aux entrailles, avait brisé l'avertisseur d'incendie et dérangé tout un départ de pompiers.

(« Echos », Mercure de France, 1er septembre 1921, p. 576.)

Descendants ou homonymes. — Sous ce titre, nous avons publié, il y a quelque temps déjà (Mercure de France, 16-VIII 1919) quelques-uns des écrivains célèbres qui, les temps étant devenus difficiles, abandonnèrent le culte d'Apollon pour celui de Mercure.

Les héros qu'ils ont créés ont suivi, semble-t-il, leur exemple.

C'est ainsi que Desgrieux travaille dans la mode, rue de Louvois ; Petitjean a quitté Perrin-Dandin pour — voici qui ne nous surprendra guère — fabriquer des coffres-forts rue de Richelieu ; M. Prudhomme, et ses fils vendent des graines et de la farine, rue Montorgueil ; Grandet s'est établi charbonnier, quai Valmy ; Modeste Mignon est fleuriste, rue de Mulhouse ; Jean-Christophe tient un établissement de bains, rue Cambacérès ; le père Goriot vend des boutons, rue du Chalet ; Faust, il fabrique de la dentelle, rêvant à Marguerite, rue d'Hauteville.

Pour Sylvestre Bonnard, désabusé de la science, il s'est installé doreur sur cuivre, rue des Bons-Enfants...

Seul M. Jourdain, assagi et ayant renoncé à jouer le gentilhomme, a persisté dans son ancien commerce; il est toujours marchand de draps, rue de Paradis.

(« Echos », Mercure de France, 15 janvier 1921, p. 574.)

Est-ce le bateau ou le train ? — C'est un conte : L'homme qui a perdu son nom. Cet homme oblige celui qui lui déroba son nom à partir où il voudra, mais à partir dans une heure. Et il commande lui-même au valet de chambre d'enlever les malles de ce monsieur qui prendra « le bateau de cinq heures ».

Quelques lignes plus loin, on nous dit :

Ce faux M. de Freydane avait pris effectivement le bateau de cinq heures.

Enfin, un peu plus loin, in fine, on nous annonce :

Tout de même, le vrai Freydane n'avait été sûr de sa révélation que lorsque le faux eut pris le train de cinq heures.

Cruelle énigme. Est-ce le bateau ou le train ? Petite erreur qui dépare ce conte, aussi beau et aussi bien fait que du Georges Ohnet, et qui parut dans le numéro 165 de Je sais tout, le 15 août 1919, sous la signature de M. Henry Bordeaux, successeur de Jules Lemaître à l'Académie Française.

(« Echos », Mercure de France, 15 juin 1920, p. 861.)

Bouvard et la flanelle. — Bouvard avait raison lorsqu'il disait à Pécuchet :

« A votre place, j'ôterais ma flanelle. »

Le docteur Guelpa explique aujourd'hui dans la Gazette des hôpitaux que la flanelle de laine, excitant les glandes sudoripares et exagérant la sueur, mouille le vêtement et transforme son état de mauvais conducteur de la chaleur en celui de trop bon conducteur.

Le praticien énumère ainsi toute une série d'inconvénients imputables à la flanelle qui se feutre, se rétrécit, se refroidit, gêne les mouvements respiratoires, etc., etc. La flanelle est, par lui, condamnée sans appel.

Il était donc juste que Pécuchet, ayant suivi le conseil de Bouvard, rendit hommage à celui-ci, qui, comme l'on sait, — « par là fut placé dans son estime à une prodigieuse hauteur... »

(« Echos », Mercure de France, 16 septembre 1918, p. 384.)

La peau ! — Extrait du manuel Roret du tanneur, corroyeur, hongroyeur, par Georges Petit, p. 216 :

La peau humaine est susceptible d'être tannée et aussi bien que celle des autres animaux. Elle a plus de corps que celle de vache, et, ce qui est le contraire dans cette dernière, sa plus grande épaisseur se trouve au ventre. On opère comme pour les veaux.

(« Echos », Mercure de France, 1er mai 1919, p. 192.)

Noms de fleurs modernes. — Le catalogue des Etablissements Horticoles Bruant à Poitiers (Vienne) contient des noms de fleurs à la fois modernes et inattendus.

Voici des balisiers à grandes fleurs dénommés Auguste-Dorchain, Ed. Saglio, et Arvède-Barine.

Le Sidaner, Matisse sont des cannas à fleurs blanches.

Arsène-Alexandre et Max-Maurey sont des cannas nains de 1914.

La duchesse de Rohan, l'acteur Dorival et le professeur Maspéro sont des chrysanthèmes d'élite de la 3e série, tandis que MM. Léonce-Bénédite et Camille Mauclair ne sont que des chrysanthèmes précoces.

M. Léon Bailby est un chrysanthème « à grosse fleur échevelée, rose frais, centre safran ». M. Romain Coolus est une « grosse fleur incurvée-recurvée rouge cramoisie uniforme » à laquelle d'aucuns préfèrent M. Riciotto Canudo, « globulaire incurvée d'un beau rose giroflée », ou bien M. Eugène Montfort, « fleur chiffonnée rose magenta sur fond doré », quand ce n'est pas Mme Aurel, « grosse fleur régulière, jaune vif », auxquels il ne faudrait pas sacrifier l'héliotrope nommé Jeanne Dortzal, « plante robuste, très fortes ombelles, fleurs blanches légèrement liliacées au déclin, très odorantes ».

(« Echos », Mercure de France, 1er juin 1917, p. 571.)

Autour de La Jeunesse. — Un jour, au Napo, La Jeunesse se prend d'une grande querelle avec Tristan Bernard qui, excédé, lui répond : « Après tout, étant donnée votre tribu, vous n'auriez été qu'un vulgaire ânier d'lsacchar, tandis que moi, j'aurais eu droit à deux tombeaux à Jérusalem. »

Le soir de la répétition générale de l'Amazone d'Henri Bataille, La Jeunesse parlait avec un unijambiste de la guerre dont il goûtait la fréquentation « à cause, disait-il, qu'il avait déjà un pied dans la tombe ». Ils en vinrent à causer des lendemains de la guerre.

« Je crois, dit La Jeunesse, qu'après la guerre il n'y aura plus de Bataille. »

« Il y a des gens, disait-il parfois, dont le nom prête au ridicule. Ils n'ont pour s'en sortir qu'à répondre du tac au tac. C'est ainsi que dans un banquet qu'avaient offert à M. Lépine les petits fabricants de jouets, au dessert, les convives, quelque peu éméchés poussèrent des cris de — Vive Lépine ! — qui ressemblaient plus à une provocation qu'à un hommage, et celui-ci de se lever, le verre à la main, et de s'écrier : — Les convives aussi !

(« Echos », Mercure de France, 1er juin 1917, p.571.)

Une église dévorée par les chiens. — Un fait bien extraordinaire s'est produit au Canada.

Une église — pas une cathédrale, bien sûr, mais pas une chapelle non plus — enfin une église, une véritable église a été dévorée par des chiens, dimanche entre messe et vêpres.

C'est près de la baie d'Hudson, que de pieux Esquimaux avaient bâti cet édifice… avec des os de baleines.

Ils étaient enchantés de leur ouvrage, qui leur avait valu les félicitations de l'évêque. L'église pouvait contenir quatre-vingts personnes et pour chaque office elle était pleine.

L'architecture en était simple, mais cependant fort originale, si originale même qu'elle aurait pu donner des idées aux architectes contemporains en quête d'un style nouveau.

Il a suffi d'une bande de chiens affamés pour anéantir, en un clin d'œil, l'œuvre des néophytes esquimaux.

Ces animaux apparemment n'avaient rien mangé depuis longtemps, les restrictions étant plus dures dans l'extrême nord que dans nos contrées, somme toute privilégiées. Peut-être ont-ils, d'autre part, pour les ossements de baleine, un goût particulier. Quoi qu'il en soit, les chiens se précipitèrent sur les murailles de l'édifice sacré et les absorbèrent jusqu'au dernier débris.

(« Echos », Mercure de France, 1er octobre 1917, p. 569-570.)

Le directeur de la Revue de Paris était un terrible reviseur « d'épreuves », pourchasseur impitoyable des assonances. France lui-même subissait aigrement les nombreux points d'interrogation semés dans les marges. Rosny s'en gaussait.

— Eh bien ! voilà ! disait-il, avec nous il finira par apprendre le français.

(Jacques Vincent, Un salon parisien d'avant-guerre, Tallandier, 1929, p. 38.)

Descendants ou Homonymes. — A la liste, déjà longue, des commerçants parisiens qui portent des patronymes célèbres dans la littérature, et que nous avons publiés, il convient de faire un addenda, en faveur de :

CERVANTÈS, antiquaire, 24, rue Victor-Massé.

Ajoutons que cet antiquaire a fait sa spécialité des casques, objets hispano-mauresques et, naturellement, des fers de lances.

(« Echos », Mercure de France, 15 février 1924, p. 288.)

On raconte sur la jeunesse de M. Maurice Barrès cette anecdote restée ignorée de ses biographes :

L'écolier Barrès avait un professeur peu civil et qui, agacé sans doute par les mines déjà hautaines du futur auteur de Un homme libre, usait envers lui d'une particulière grossièreté.

Presque chaque jour avait lieu la petite cérémonie suivante :

— Barrès, récitez-moi votre leçon !

Barrès se levait de son banc, croisait les bras et, sans desserrer les lèvres, fixait sur son interrogateur un regard impassible qu'il promenait ensuite sur ses condisciples béants d'admiration.

— Récitez-moi, votre leçon, Barrès !

Même silence, même regard.

Alors le professeur tirait de son pupitre une vieille paire de gants, les enfilait rapidement, puis, avec un affreux sourire et une voix mielleuse :

— Récitez votre leçon. Barrès. Voyez, j'ai mis mes gants pour vous parler !

Et Maurice Barrès récitait sa leçon.

(« Echos », Mercure de France, 1er juin 1913, p. 667.)

Jean Lombard journaliste et mystificateur. — Le troisième des fils de Jean Lombard, M. Paul Lombard, qui répond aussi au prénom d'Hésius, de même que son frère aîné répond à celui d'Annibal, se propose d'e publier en volume les poésies que son père laissa éparses dans maints journaux et petites revues. Ses recherches, commencées depuis deux ans, doivent aboutir bientôt. Jean Lombard avait choisi lui-même les titres des deux volumes de vers dont il avait amassé la matière : Les Remembrances et Le Livre amer. Ces titres ont le parfum de leur époque.

Après Jean Lombard romancier, nous connaîtrons donc Jean Lombard poète. Mais Jean Lombard journaliste n'est sans doute pas moins expressif et moins vivant. D'abord apprenti bijoutier, puis typographe, puis débardeur sur le vieux port de Marseille, il avait pris part activement au mouvement syndical alors naissant. Il fonda La Sève, où collabora Jean Blaize. La Sève occupait dans la rue Papety, aujourd'hui rue Berneix, un local extraordinaire, et c'est dans ce local que naquit la légende de Jean, Lombard cordonnier. Car on ne trouvait à l'adresse de La Sève qu'une échoppe de cordonnier. Au visiteur qui s'informait de M. le Directeur, l'artisan désignait une ouverture pratiquée au plafond même de sa boutique. On y accédait par une échelle de meunier dont le délabrement était tel qu'une main prévoyante, celle de Jean Lombard probablement, avait suspendu non loin d'elle une corde à nœuds le long de laquelle il était possible de se retenir. Un jour, Elisée Reclus vint échouer aux bureaux de La Sève. Cette étrange organisation le transporta d'enthousiasme, non pas assez haut, cependant, pour qu'il pût se passer de L'échelle et de la corde à nœuds. D'un signe, il exigea de Jean Lombard une démonstration préalable de la manœuvre. Mais l'autre, malicieux et courtois :

— Après vous, dit-il.

— Vous en êtes encore là ? s'étonna Reclus, bannissant ainsi les vestiges d'une politesse surannée.

Et ils montèrent, Lombard le premier.

Le directeur de La Sève ne perdit point, dans la suite, le goût de la plaisanterie. S'étant affilié au Portique, cercle littéraire où les soirées se passaient en lectures, improvisations ou récitations de toutes sortes, il promit à ses camarades d'amener parmi eux un des hauts personnages de la préfecture. Le haut personnage vint, en effet. Au cours de la séance, chacun donna lecture du meilleur de son œuvre, et lorsque ce fut fini, le visiteur de marque fut reconduit avec tous les honneurs dus à sa qualité. C'était en réalité le concierge de la Préfecture, qui dissimulait mal son ahurissement sous un masque déférent et ravi.

(« Echos », Mercure de France, 16 février 1914, p. 890-891.)

De Normandy-Revue (février-mars), cette épigramme signée Achel :

Sur le — « Mercure de France »

Pour calmer ma souffrance,
N'est-il pas, Eupolis

De cure ?
— Si, Phyllis
Le Mercure...
De France.

(Charles-Henry Hirsch, « Les revues », Mercure de France, 16 avril 1913, p. 849.)

Livres d'occasion. — Extrait du dernier catalogue d'un bouquiniste parisien :

— VIGIÉ-LECOQ (E). — La Poésie contemporaine.

Piqûres de vers.

LAVEDAN (Henri). — Le Vieux marcheur.

Épuisé.

(« Echos », Mercure de France, 16 septembre 1912, p.448.)

La presse en province. — On lit dans l'Argus Soissonnais :

— Peut-on impunément accuser une personne d'avoir fait mourir des arbres, et la personne accusée peut-elle poursuivre en diffamation une jeune fille de dix-sept ans, et chercher en même temps à la frapper avec un râteau ?

Réponse. — On peut poursuivre en diffamation devant les tribunaux la personne dont il s'agit, mais on n'a pas le droit de la frapper.

(« Echos », Mercure de France, août 1901, p. 560.)

La littérature française et son enseignement à l'étranger. — C'est le 10 janvier 1920, Nous sommes à l'entrée du Bosphore. Le « Léopolis » ramène, d'Odessa des Français demeurés en Russie. Parmi les passagers, deux demoiselles au visage chagrin. Elles ont tenu, jusqu'au bout... le poste de professeur de littérature française dans une institution de Rostov.

Je lis le Songe d'une femme.

Une dame professeur m'interroge :

— Quel est l'auteur de ce livre ?

— Remy de Gourmont.

— Je ne connais pas. Tu as entendu ce nom, Antoinette : Remy de Gourmont ?

— Du tout, jamais.

— Vous voyez, Monsieur, ma sœur ignore également. Cependant nous lisons tout, même les auteurs inconvenants, comme Zola et Mirbeau. Le devoir professionnel, n'est-ce pas !... Et le mérite de cet écrivain ?

— Des contemporains, c'est le plus grand.

— Vous vous moquez !...

— Jamais je ne fus plus sérieux.

— Mais Bazin, Bordeaux, Bourget, Masson ?...

Je souris et monte sur le pont où le Bosphore se teinte délicatement aux caresses de l'aurore.

La gamme divine des couleurs aura joué tout entière lorsque ces demoiselles, ayant quitté leur sombre cabine et Monsieur Bazin, viendront minauder près de moi : « Oui ! Byzance, c'est pas mal, pas mal. »

A. M.

(« Echos », Mercure de France, 1er mars 1920, p.573.)

Antonymes. — Le Mercure de France a publié naguère les noms d'honnêtes, du moins il l'espère, négociants qui exercent leur métier à Paris, noms qui furent portés par des écrivains illustres ou, au moins, notoires. Voici maintenant quelques marchands qui occupent la place de Paris et qui, s'ils ne peuvent se réclamer d'aucune homonymie flatteuse avec la gloire de notre littérature, ont le privilège d'avoir, dans le Bottin, des antonymes à qui ils se doivent de faire une concurrence acharnée.

M. Blanc est coiffeur, Faubourg-Saint-Denis, 188 ; cependant que M. Noir fait le même commerce 11, boulevard Voltaire.

M. Petit, qui est architecte 132 rue de Courcelles, ne recommandera certainement pas son confrère, M. Grand, qui exerce la même profession 25, rue Poussin.

Il en est de même pour M. Bon et pour M. Mauvais, tous deux épiciers, le premier 146, rue de Vanves, le second 31, rue Frédérick-Lemaitre.

M. Gros, coiffeur, 1, rue des Grands-Degrés, est heureusement très éloigné de M. Maigre, coiffeur lui aussi, mais au 23 du boulevard Malesherbes.

Mme Large, qui s'occupe de modes, 10, rue du Hanovre, a pour concurrente Mme Long, 26, rue Pergolèse.

M. Brun est établi cordonnier 48, rue Dauphine et M. Blond répare également les souliers, mais au 17, de la rue Bayen.

Pour M. Garçon, qui vend des fleurs artificielles, 75,boulevard de Magenta, il ne redoute pas concurrence de M. Fille, qui tient un café 67, rue des Dames.

Quant à Mme Triste, couturière, 28, rue Delambre, elle a pour voisin M. Joyeux, constructeur de voitures, 129, rue Vercingétorix.

Si vous désirez acheter du vin, vous avez le choix entre M. Poli et M. Grossier, qui en vendent, celui-ci, 51, rue Jouffroy, et celui-là, avenue Fremiet.

Le docteur Froussard s'est établi 7, avenue d'Eylau, assez loin, on le voit, de son confrère, le docteur Vaillant, qui exerce 16, rue Montaigne.

Gageons que M. Beau, ingénieur, 18 bis, rue du Ranelagh, ne redoute en rien cet autre ingénieur qui habite 8, rue Marbeau et s'appelle M. Moch.

Enfin, une compagnie de chemins de fer a trouvé le moyen d'éviter toute concurrence un réunissant dans son nom les deux antonymes c'est, on l'a déjà deviné, le Nord-Sud.

(« Echos », Mercure de France, 15 octobre 1923, p.574-575.)

Descendants ou homonymes ? — Sont-ils des homonymes ou bien des descendants déchus de ces grands hommes ? Toujours est-il que Lamartine est établi coiffeur, rue Laffite ; Musset, boucher, rue Mabillon ; Balzac, blanchisseur, rue Saint-Hippolyte ; Vigny, crémier, rue Daguerre ; Sainte-Beuve, fabricant de charpentes, quai Jemmapes ; Dumas fils, fabricant de matières premières pour la chapellerie, rue des Pyrénées ; Théophile Gautier, fabricant de billards, rue de la Roquette.

Si l'on s'en tient aux classiques, on trouve un Corneille, marchand de vins, rue Chapon ; un Racine, marchand de beurre, rue de Belleville ; un La Fontaine, fabricant de corsets, rue Debelleyme ; un Mollière, papetier, avenue d'Orléans.

Quant à Boileau, il est épicier rue d'Angoulême.

(« Echos », Mercure de France, 16 août 1919, p.768.)

Descendants ou homonymes. — On peut voir, depuis quelques jour, circuler dans Paris une grande voiture automobile peinte en jaune et sur laquelle se détache, en lettres noires, l'inscription suivante :

CLÉMENT MAROT

blanchisserie à Gennevilliers.

(« Echos », Mercure de France, 1er octobre 1923, p.286.)

Le « Mercure » au bagne. — On a appris, par la lettre de Goldsky publiée dans notre numéro du 1er février dernier, que le condamné du 3° Conseil de guerre lisait le Mercure au dépôt, de Saint-Martin-de-Ré. Voilà maintenant que nous apprenons qu'il est lu au bagne même, à la Guyane. Dans une intéressante enquête que publie le Parisien, M. Albert Londres nous raconte en effet une visite faite par lui aux cachots de l'île Saint-Joseph (une des îles du Salut), où il eut une entrevue avec le forçat Dieudonné, de la bande Bonnot.

Son cachot, nous dit-il, n'était pas tout à fait noir. Dieudonné jouissait d'une petite faveur. En se mettant dans le rayon du jour, on y voyait même assez pour lire. Il avait des livres, le Mercure de France...

— Ce n'est pas réglementaire, dit Dieudonné, mais on ferme les yeux.

Allons, tant mieux ! Le Mercure est vraiment répandu dans le monde entier.

(« Echos », Mercure de France, 15 septembre 1928, p. 862.)

Vires acquirit eundo (1). — Une demi-mondaine de haute envolée, sur le point de s'installer luxueusement, souhaitait une devise pour orner la vaisselle plate. Quelqu'un lui suggéra celle du Mercure. Mais un mauvais plaisant passa, et, le jour où l'on pendit la crémaillère, chaque convive put lire sur son assiette : « Viros (2) acquirit eundo ».

(« Echos », Mercure de France, 16 février 1919, p.768.)

Notes des Amateurs :

(1) Elle [la Renommée] acquiert des forces en voyageant, Virgile.

(2) des hommes.

L'« Accadémie ». — Le duc d'Audiffret-Pasquier, qui n'avait jamais écrit une ligne de sa vie, fut, en 1878, élu membre de l'Académie Française.

Dans le seul écrit qu'on connaisse de lui — sa lettre de candidature, — il écrit « Académie » avec deux C.

Et naturellement il fut élu.

§

Comité d'initiative artistique de l'Odéon. — Un Comité prenant le nom de « Comité d'Initiative artistique de l'Odéon » vient de se former avec les noms de MM. Paul Adam, Saint-Georges de Bouhélier, Paul Brulat, Gustave Charpentier, Carol-Bérard, Fernand Divoire, Edouard Dujardin,

(« Echos », Mercure de France, 15 août 1923, p. 192.)

On dit que... — M. Jean de Maupassant, bibliothécaire de la ville de Bordeaux, reproduit, dans une plaquette non mise dans le commerce et écrite en souvenir de Léon Valade, une lettre de ce poète à Emile Blémont, datée du 2 octobre 1871. Cette lettre contient un saisissant portrait d'Arthur Rimbaud :

Vous avez bien perdu de ne pas assister au dernier dîner des Affreux Bonshommes. Là fut exhibé, sous les auspices de Verlaine, son inventeur, et de moi, son Jean-Baptiste sur la rive gauche, un effrayant poète de moins de dix-huit ans, qui a nom Arthur Rimbaud. Grandes mains, grands pieds, figure absolument enfantine et qui pourrait convenir à un enfant de treize ans, yeux bleus profonds, caractère plus sauvage que timide, tel est ce môme dont l'imagination, pleine de puissances et de corruptions inouïes, a fasciné ou terrifié tous nos amis. « Quel beau sujet pour un prédicateur ! » s'est écrié Soury. D'Hervilly a dit : « Jésus au milieu des docteurs. » « C'est le diable ! » m'a déclaré Maître, ce qui m'a conduit à cette formule nouvelle et meilleure : « Le Diable au milieu des docteurs. » Je ne puis vous raconter la biographie de notre poète. Sachez seulement qu'il arrive de Charleville avec le ferme dessein de ne jamais revoir son pays ni sa famille. Arrivez, vous verrez de ses vers et vous jugerez. A moins de la pierre sur la tête que le Destin nous tient souvent en réserve, c'est un génie qui se lève. Ceci est l'expression froide d'un jugement pour lequel j'ai déjà eu trois semaines, et non d'une minute d'engouement...

Léon Valade fît preuve là d'une belle clairvoyance.

(Almanach des lettres française et étrangères, 21 février, 1924, p. 205.)


On dit que... — S'il faut en croire un article que publie la Revue hebdomadaire, voici quelles étaient les lectures favorites de Lénine : l'Histoire de la Commune, par Gustave Lefrançais, les Œuvres de Louis Blanc, celles d'un économiste russe ; et, à ses rares moments de loisir, il parcourait les romans d'un seul écrivain, toujours le même : Guy de Maupassant.

(Almanach des lettres française et étrangères, 22 février, 1924, p. 209.)

La malencontreuse dédicace. — Octave Mirbeau passait, à tort ou à raison, pour ne guère aimer les poètes, et, lors de la vente de sa bibliothèque, dans la dernière semaine de mars 1919, on put remarquer, sans trop d'étonnement, — c'était donner raison à la légende, que le nom de Baudelaire y figurait deux fois à peine, avec un exemplaire de chacune des éditions des Œuvres posthumes (la maison Quentin et le Mercure de France).

L'exclusion des poètes de la « librairie » du romancier n'était, toutefois, que relative : Verlaine et Mallarmé y figuraient par des éditions originales fort recherchées des bibliophiles, dont quelques-unes n'ignoraient pas la somptuosité du maroquin plein et le luxe affriolant des dentelles intérieures. Moréas lui-même, musagète aucunement ennemi des réclames et des petites manifestations par quoi s'accréditait sa gloire, en attendant que M. Antoine Albalat ait noté ses menus propos, avait trouvé grâce devant le terrible homme, Mirbeau s'étant contenté de rappeler, en une longue note manuscrite, sur un feuillet de garde du Pèlerin passionné, le « banquet » dont l'apparition du recueil avait fourni l'occasion « et les suites fâcheuses que cette cérémonie eut sur le caractère de Moréas ».

C'est tout juste, par contre, si Mendès figurait sur ce catalogue par un exemplaire de son Scarron offert à Mme Mirbeau. Ce n'était point pourtant la seule de ses oeuvres dont l'ancien président de la République des Lettres avait fait hommage à l'écrivain qui n'était point encore illustre ; il avait prudemment inscrit au verso du portrait de Mendès jeune et blond,

Mais où sont tes cheveux, Catulle ?

dont s'adornaient, en 1876, ses Poésies complètes chez les éditeurs Sandoz et Fischacher, un ex dono calligraphié, mais insuffisant d'orthographe touchant tout au moins le nom du journaliste, malencontreuse dédicace à laquelle ce compact in-octavo dut de prendre aussitôt le chemin des quais, où le devait recueillir la main diligente et preste de mes vingt ans.

A défaut du Petit Bottin des Lettres et des Arts, publié seulement en 1886, alors que les Grimaces elles-mêmes ne sont que de 1883, Catulle Mendès s'était-il contenté de consulter le Dictionnaire des Postes et Télégraphes (chef-lieu de canton ; Vienne) plutôt que de se reporter à la collection de l'Ordre, de l'Ariégeois ou du Figaro ? on le peut croire, car ainsi avait-il libellé cet hommage au demeurant dépourvu de toute épithète :

à M. Octave Mirebeau,
Hommage de l'auteur,
CATULLE MENDES.

Mirebeau ! Vous avez bien lu ? Défigurer ainsi le patronyme d'un jeune et d'un enthousiaste, qui, fort de ses convictions, lesquelles n'allaient point tarder à changer, voulait conquérir cette gueuse parfumée — je veux dire la renommée, — étonnez-vous, après un tel béjaune, que les Poésies complètes fussent venues échouer dans la boite du bouquiniste et y tenir compagnie aux tomes dépareillés de l'Histoire de Rollin et aux derniers romans — c'était alors l'ambiance — de Victor Cherbuliez ou de M. Albert Detpit ? — P. D.

(« Echos », Mercure de France, 15 août 1923, p. 284-285.)

Les personnages de Dickens. — A l'occasion de l'anniversaire de la naissance de Dickens, on a cherché combien de personnes il y a, actuellement, à Londres, portant les mêmes noms que les personnages de ses romans les plus célèbres.

On a trouvé un Oliver Twist, vivant à Hoxton, un Pickwick, dans le North London, six Weller (mais ils ne sont pas tous domestiques), neuf Trotter, un Bardell, deux Sikese. Une maison de tailleurs de la cité s'intitule Dombey et fils, et une autre Paul Dombey. Il y a en outre quatre Rudge, quatre Guppy, et trente-sept dames Harris.

Et dire que tous ces gens, bien qu'existant réellement, sont beaucoup plus anonymes que les personnages fictifs de Dickens !

(« Echos », Mercure de France, 15 février 1906, p. 640-641.)

Le coiffeur chauve.

« Nous avons tous les deux même art, mêmes malades :
« Toi, pour donner au style un galbe merveilleux,
« Moi, pour rendre aux vieillards leur grâce et leurs cheveux,
« Tous les deux nous vendons d'infaillibles pommades ;

« Ton style est gris, morne, paterne et plat,
« Mon crâne est veuf de tout poil noir ou fauve.
« Soyons amis ! » disait le coiffeur chauve
En bichonnant la tête d'Albalat.

(« Echos », Mercure de France, 15 janvier 1906, p.319.)

Les morts, les pauvres morts ont de grandes douleurs. — Sous ce titre, M. Arthur Symons adresse au directeur de la Saturday Review la lettre suivante :

Monsieur, une enveloppe adressée : Charles Baudelaire, Esq., aux bons soins d'Elkin Mathews, Esq., Vigo Street, W., me parvient réadressée à mon nom ; et n'étant pas en position de communiquer avec le gentleman en question, et ayant récemment traduit quelques-uns de ses Poèmes en Prose pour la « Vigo Cabinet Séries » de l'éditeur EIkin Mathews, je me suis risqué à ouvrir l'enveloppe. A l'intérieur j'ai trouvé une formule de souscription à une agence de coupures de presse, avec la note suivante adressée à Charles Baudelaire, Esq. : « Cher Monsieur, nous prenons la liberté de vous demander si nous pouvons vous fournir, aux prix indiqués dans la formule ci-jointe, toutes les notices vous concernant et paraissant dans la presse. En attendant l'avantage d'une réponse, etc. » N'étant pas, comme je l'ai dit, en position de communiquer avec M. Baudelaire, je désire donner au louable effort de l'agence toute la publicité possible, afin de lui faciliter le moyen de parvenir jusqu'au destinataire.

Je suis, Monsieur, votre obéissant serviteur,

ARTHUR SYMONS.

(« Echos », Mercure de France, 1er janvier 1906, p. 158.)

M. Gaston Deschamps donne à ses confrères du Temps une bonne leçon de géographie, et avec lyrisme, encore ! Il s'agit de Ceylan :

L'admirable plage de sable doré où ruissellent, en ondulations d'azur et en écroulements de blancheurs, les grandes houles rythmées des mers australes.

(R. de Bury, « Les journaux [non annoncé en tête de rubrique] », Mercure de France, 15 août 1905, p. 607)

Il court, en ce moment un mot d'esprit sur les portraits que dessine M. Rouveyre d'après ses contemporains : « Ce ne sont pas même des caricatures, ce sont des calomnies. »

On l'a attribué à M. Remy de Gourmont, mais il est, paraît-il, de M. Charles Morice.

Comme le mot est bien venu, il restera. Beaucoup de gens m'ont dit qu'il était juste. La plupart d'entre eux avaient été dessinés par M. Rouveyre.

(Guillaume Apollinaire, « La vie anecdotique », Mercure de France, 1er février 1912, p. 663)

Distique trouvé au Banquet Paul Fort, au dos du menu de M. Jean de Gourmont :

Ci-gît un grave auteur, ce huguenot rigide
Qui nous a tant fait rire et n'a jamais ri : Gide.

(H. B., « Echos : Mots propos et anecdotes », Mercure de France, 1er février 1912, p. 670)