ÉCHOS

Mort de Pierre Quillard. — Mort de Hermann Bang. — A propos de la maison de Charles Lebrun, premier peintre du roi Louis XIV. — Une lettre de M. C. Bouglé. — Une lettre de M. Michel Puy. — Le Salon de la Libre Esthétique. — Publications du Mercure de France. — Le Sottisier universel.

Mort de Hermann Bang. — Hermann Bang vient de mourir subitement au cours d'un voyage qu'il accomplissait en Californie. Si l'œuvre de cet écrivain danois était à peu près inconnue en France, sa personnalité a laissé cependant parmi nous quelques souvenirs. C'était aux tout premiers temps du Théâtre de /'Œuvre. Hermann Bang dirigeait les répétitions d'Un ennemi du peuple. Ceux qui furent alors de la « figuration » se rappellent ce grand garçon d'aspect fluet, drapé dans un vaste pardessus. Il parlait peu. Sa bouche se crispait nerveusement et ses yeux, profondément enfoncés dans l'orbite, suivaient avec attention le jeu des acteurs. D'un geste bref de sa canne, il réglait les mouvements de foule. M. Lugné-Poe, dévotieusement, écoutait ses conseils, en néophyte.

Bang aimait passionnément le théâtre. Ce fils d'un pasteur luthérien de la petite ville d'Alsen, dès son enfance, rêvait de monter sur les planches. L'inaptitude au métier de comédien et la « misère », ainsi qu'il le disait lui-même, le firent se lancer dans le journalisme. Il venait d'être expulsé de Berlin, pour avoir critiqué en termes un peu vifs la politique impériale, quand il vint à Paris vers 1805. Il était alors déjà l'auteur de ce roman ultra-pessimiste qui s'intitule Races sans espoir et qui, dans un milieu assez restreint, lui avait fait un nom en Danemark. Depuis quinze ans, il a énormément produit, des contes, des nouvelles, quelques romans qui, malgré leurs vastes desseins et leurs conceptions très hautes, sont plutôt des intentions de chefs-d'œuvre que des œuvres véritablement fortes. Mais partout on retrouve ce style nerveux et frémissant, cette recherche d'une psychologie compliquée qui forment les traits essentiels de son talent. Bang se plaisait à donner des interprétations lyriques aux petits faits de la vie quotidienne. Par là il se rattache à notre grande école naturaliste. Dans Tine, dans la Maison grise, dans les Sans-Patrie, dans Michaël,qui passe pour son meilleur ouvrage, dans les Nouvelles excentriques, l'observation passionnée se double toujours d'un singulier goût pour la déformation.

Hommes et masques est le dernier livre d'Hermann Bang. Il y trace quelques portraits de comédiens et de comédiennes : Kainz, Réjane, la Duse, Sarah Bernhardt, Charlotte Wolter. C'est l'ultime tribut qu'il apporta à son amour pour les planches, qui fut toujours un amour malheureux. Ces dernières années, le public l'acclama comme réciteur et comme conférencier.C'est pendent une de ces tournées de conférences en Amérique qu'il est mort, à l'âge de cinquante-quatre ans. — H. A.

Mercure de France, 16 février 1912, p. 892-893.