François Coppée en 1869, lors de la première représentation du Passant
( Les Annales politiques et littéraires, 31 mai 1908, p. 514)

ÉCHOS

Mort de François Coppée. — M. Georg Brandès en Finlande.—L'Exposition annuelle de la Société des Amis des Arts, de Brest. — Jésus-Monod prédit par les Goncourt. — Publications du Mercure de France. — Le Sottisier universel.

Mort de François Coppée. — Gravement malade depuis plusieurs mois, François Coppée est mort le samedi 23 mai 1908, à une heure de l'après-midi. Il était né à Paris le 26 janvier 1842, dans une famille modeste [et] nombreuse, et avait été d'abord commis chez un architecte, puis employé au ministère de la Guerre. Il débuta dans le groupe des Parnassiens, en 1863, et M. Catulle Mendès, dans La Légende du Parnasse contemporain, nous a laissé un portrait de lui à cette époque : « Très jeune, assez maigre, pâle, l'air fin, des yeux timides... vêtu d'un habit étriqué, neuf et propre... un peu l'air d'un employé de commerce ou de ministère, et en même temps l'élégance de ses traits, la grâce ironique de son sourire, on ne sait quoi de doux et d'un peu triste, de parisien aussi... qui faisait qu'on le remarquait. » En 1866, il publia son premier recueil de vers : Le Reliquaire, le même jour que Paul Verlaine faisait paraître les Poèmes Saturniens. Puis ce furent les Intimités, où il marqua pour la première fois son originalité, faite de douceur voluptueuse, de délicatesse nuancée, d'émotion infiniment simple. La façon est connue dont il devint célèbre du jour au lendemain avec Le Passant, représenté à l'Odéon en 1869, avec Agar et Mme Sarah Bernhardt comme interprètes. Depuis ce jour, François Coppée, n'avait fait qu'aller de succès en succès, et sa réputation que grandir. Accuellii aux Tuileries, chez l'Empereur, et protégé par la Princesse Mathilde, il obtint un poste de sous-bibliothécaire au Sénat, qu'il quitta bientôt pour le même emploi à la Comédie-Française. Après avoir fait représenter quelques autres actes : Deux Douleurs, L'Abandonnée, Fais ce que dois, il publia en 1871 Les Humbles, avec lesquels il créait un genre médiocre, mais quelquefois amusant, pittoresque, la poésie des petites gens, de l'existence bourgeoise, des soirées sous la lampe, des dimanches parisiens dans des cadres de banlieues, une poésie qu'on a rapprochée souvent, avec quelque raison, de certains tableaux des écrivains naturalistes, et qui fit de lui, à l'époque, un véritable novateur. On doit également à François Coppée le poème-monologue, avec La Bénédiction, Le Naufragé, L'Epave et La Grève des Forgerons, son premier essai dans ce genre qui lui procura une vraie popularité. En 1884, François Coppée fut élu à l'Académie française, en remplacement de Victor de Laprade. Peu après, un incident avec l'acteur Coquelin l'amena à donner sa démission de bibliothécaire à la Comédie-Française. Depuis, l'histoire de sa vie n'avait plus été que celle de ses œuvres, au théâtre : Severo Torelli, Les Jacobites, Pour la Couronne, et Contes en prose, Poèmes et Récits, Arrière-Saison, Le Pater, Toute une jeunesse, Longues et brèves, Mon Franc-parler, Le Coupable, etc., etc., contes, poèmes, théâtre, romans, recueils d'articles et de nouvelles.

Deux crises morales devaient cependant marquer ses dernières années. En 1897, à la suite d'une grave maladie, François Coppée, jusqu'alors assez peu préoccupé de religion, s'était converti et était redevenu catholique vraiment pratiquant. Il a laissé un récit, de cette conversion dans La Bonne souffrance, un ouvrage qui eut une diffusion considérable et qui gagna à sa réputation un nouvel élément avec le monde religieux. La seconde crise fut son enrégimentement dans le Nationalisme, à propos de. l'affaire Dreyfus. Il ne tarda pas d'ailleurs à se retirer, sa sincérité et son désintéressement détonnait trop au milieu des intrigues d'une agitation politique.

Les jeunes poètes sont nombreux qui ont trouvé chez lui l'accueil le plus bienveillant et souvent même une aide effective. Ici même, Pierre Louys, Albert Samain, Francis Jammes, Charles Guérin.

Avec François Coppée, c'est une originale et sympathique figure littéraire qui s'en va. Son talent a été très bien analysé en quelques mots par M. Anatole France : « C'est un poète vrai. Il est naturel. Par là, il est presque unique ; car le naturel dans l'art est ce qu'il y a de plus rare... S'il suffit d'une médiocre culture pour le comprendre, il faut avoir l'esprit raffiné pour le goûter entièrement. » C'est aussi un homme d'esprit, un esprit où il y avait du sentiment et la blague du gavroche. Il l'a montré jusqu'au bout. Quand sa sœur Annette mourut le dimanche 17 mai 1908, — juste six jours avant lui, — et qu'il vit partir le convoi que son état de santé l'empêchait d'accompagner : « C'est une répétition générale», dit-il.

Mercure de France, 1-VI-1908, pp. 574-576.

François Coppée dans son cabinet de travail
( Les Annales politiques et littéraires, 31 mai 1908, p. 513)