NÉCROLOGIE

Roger Marx. — Nous avons le regret d'annoncer la mort de notre distingué collaborateur et ami, Roger Marx, décédé prématurément à l'âge de cinquante-quatre ans.

Il était né à Nancy en 1859. Attaché d'abord à la direction des Beaux-Arts, il collabora à des journaux et revues, devint secrétaire du directeur des Beaux-Arts, Castagnary, et après la mort de celui-ci, fut nommé inspecteur des Beaux-Arts, puis inspecteur général adjoint des musées de province.

Il s'est signalé comme critique d'art par son esprit novateur et par son ardeur à encourager et soutenir nombre d'artistes méconnus, parvenus depuis à la célébrité, Puvis de Chavannes, Eugène Carrière, Gauguin, Maurice Denis, Degas, Emile Galle, Toulouse-Lautrec, Claude Monet, Renoir, etc.

Outre des préfaces, des études et de nombreux articles insérés dans la Revue Encylopédique Larousse, il a publié : Etude d'art lorrain (1882) ; Henri Regnault (1886) ; la Décoration et l'Art industriel à l'Exposition universelle de 1889 (1890) ; Histoire de la médaille française depuis cent ans (1890) ; la Peinture et la Sculpture au Salon de 1895 ; J. K. Huysmans (1894) ; la Collection des Goncourt (1897) ; les Médailleurs français en 1789 (1898) ; la Décoration et les Industries d'art à l'Exposition universelle de 1900, etc.

Enfin, cette année même, sous le titre de L'Art Social (1), dans un beau livre préfacé par Anatole France, il venait de donner le résumé de ses campagnes en faveur des artistes modernes et de la diffusion de la beauté à l'Ecole et dans les milieux populaires. Sa devise : « Rien sans art » était pour lui tout un programme ; et le plus sûr moyen d'honorer la mémoire de notre ami est d'adopter cette devise pour la faire servir au triomphe de ses idées généreuses et en particulier au succès de L'Art Social ainsi défini par Roger Marx : « Quand l'art se mêle intimement à la vie unanime, la désignation « d'art social » seule peut lui convenir; on ne saurait restreindre à une classe le privilège de ses inventions ; il appartient à tous, sans distinction de rang ni de fortune ; c'est l'art du foyer et de la cité-jardin, l'art du château et de l'école, l'art du bijou précieux et de la broderie paysanne ; c'est aussi l'art du sol, de la race et de la nature ; l'importance s'en atteste par son action sur le développement des industries et sur la prospérité matérielle du pays — si bien que ses destinées se trouvent intéresser à la fois l'esthétique, la sociologie et l'économie politique. »

C'est conformément à cette conception du rôle social de l'art, qu'il s'attacha à mettre en lumière les plus grands artistes de ce temps comme les plus humbles artisans. C'est aux efforts persévérants de Roger Marx que fut due, en partie, l'admission à la Société Nationale des Beaux-Arts des créations, alors dédaignées, des artistes de la matière, céramistes, ferronniers, orfèvres, émailleurs, etc. Ce fut alors une innovation très combattue, mais qui ne tarda pas à devenir une institution universelle.

(1) L'Art Social, Paris, Eug. Fasquelle, 1913.

L'Art social, n° 27,décembre 1913, Librairie Larousse.


(se vend à La Maôve)

A consulter : Roger Marx vu par Gourmont