Achille Millien.

Les lettres nivernaises étaient l'an dernier à notre programme. Les lettres nivernaises depuis ont perdu leur doyen : Achille Millien est mort, qui était aussi le doyen des poètes français.

Né à Beaumont-la-Ferrière le 4 septembre 1838, c'est à Beaumont-la-Ferrière qu'Achille Millien décéda le 12 janvier 1927. La maison où il s'éleva à la lumière est la même que celle où il ferma les yeux. Rare exemple de fidélité au berceau ; ainsi une plaque unique suffira à commémorer le lieu de la naissance et de la mort du poète de Chez Nous.

Son œuvre est triple : à côté des poèmes d'un souffle ample, d'un bel envol, au rythme desquels il suivait son inspiration propre, voici les légendes qu'il recueillit sur les terres des paysans de la Nièvre, auprès desquels ce passionné chasseur du verbe menait une constante enquête. Il apportait sa pleine gerbe de Chants et chansons. Et voici, d'autre part, les adaptations qu'il a faites des poètes étrangers : cet homme si durablement attaché à sa terre, à sa coquille, était en communication avec ses frères en poésie des pays grecs, bulgares, monténégrins, canadiens, etc. Poète régional, il ouvrait son âme à une noble internationale du lyrisme.

La Jérusalem délivée, le Roland furieux furent les premiers chants qui lui apprirent à aimer la poésie. Il lisait ces œuvres graves à huit ans, avec, pour tout sourire, les Fables de Florian. Côté prose, la Petite Fadette, de Mme Sand, et certain Enfant de la forêt concrétisaient son amour commençant de la nature. Il appela La Moisson son livre de début, paru en 1860, et dans cette Moisson de charmantes géorgiques, Hugo humait « la senteur des prés et le souffle des bois ».

Ne sont-ce pas le souffle des bois et la senteur des prés qui inspirèrent de toute son agreste existence Achille Millien nivernais ? Ce grand solitaire était dans sa forêt de la Bertrange comme un arbre à poèmes. Si le Nivernais a perdu son doyen, les chants en sont éternels qui bruissent à travers les feuilles. Et nous souhaitons avec le bon chroniqueur Gui, de Paris-Centre, que le Lycée de Nevers — où un Taine enseigna — porte bientôt à son fronton le nom d'Achille Millien.

Gaston PICARD.

(L'Ami du lettré. Année littéraire & artistique pour 1928, Grasset, 1928, pp. 161-162)