ÉCHOS

Mort de Ruben Dario. — Mort de Charles de Pomairols. — Une lettre de M. Jean Marnold. — Une lettre de M. Guillaume Apollinaire. — Pour l'étude de la vie juive. — Héros et marchands. — La Francisation des noms de famille. — L'intérieur de l' « Achilleïon ». — Bulgares et Allemands. — Une « Ligue anti-allemande pour la défense de la musique française ». — Concours littéraire. — Varia.

Mort de Charles de Pomairols. — Il était fameux, dans le monde des lettres, pour ses ambitions académiques, son salon et ses dîners également académiques. C'était un bien honnête homme, et qui n'aimait pas que les jeunes poètes restassent trop longtemps célibataires : la vie de Paris est si pleine d'embûches ! Il avait publié quatre recueils de poèmes : la Vie meilleure, Regards intimes, la Nature et l'Ame, Pour l'Enfant. On cite de lui quelques vers :

C'est un très grand honneur de posséder un champ.

Ou bien :

Mon fécond travail en vain pour moi-même,
Pour d'autres que moi fondant un espoir,
J'asseois [sic] fortement l'avenir que j'aime,
Assuré pourtant de ne pas le voir.

Sous le pseudonyme de Junius, M. Paul Bourget a écrit dans l'Echo de Paris, à l'occasion de la mort de Charles de Pomairols :

Au lendemain de cette terrible guerre, il se fera, soyez-en assurés, une revision très dure, celle des valeurs littéraires de ces vingt-cinq dernières années. Que dis-je ? Elle est déjà commencée. La règle en sera bien simple : les écrivains dont les livres se raccordent aux tragiques efforts que la France doit continuer, même dans la paix, pour ne pas mourir, passeront au premier rang. Cet accord attestera qu'ils y ont vu juste. Ceux, au contraire, dont les œuvres n'exhalent qu'un conseil de décadence et d'anarchie, risquent beaucoup d'être condamnés, si retentissants qu'aient été leurs succès. Les générations actuelles auront trop éprouvé que l'on ne badine pas plus impunément avec la pensée qu'avec l'amour. Elles voudront que la littérature serve, au sens profond de cet admirable mot qui n'est pas une formule d'utilitarisme, mais de sacrifice.

Un des bénéficiaires de cette justice, que j'appellerais volontiers nationale, sera certainement le noble poète dont les journaux annoncèrent la mort cette semaine, M. Charles de Pomairols. Il n'a jusqu'ici connu que la notoriété. Je serais très étonné que sa renommée ne grandît pas durant les années qui vont suivre jusqu'à devenir une gloire.

Mercure de France, 1er mars 1916, pp. 186-187.