ÉCHOS

Mort de Claude Terrasse. — Prix littéraires. — Shakespeare et Tout-ankh-Amen. — L'énigme de la Bertha. — Journaux, dictionnaire et musique. — De différentes méthodes pour enseigner la grammaire française. — Le livre à la mode il y a cent ans. — Un sonnet d'Auguste Vitu. — Les néologismes en anglais. — A propos d'une réédition du poète Antoine Bigot. — Un manuscrit de Gérard de Nerval perdu dans une exposition. — Les auteurs préférés des Anglo-Saxons. — Les marchands de billets. — Sur la dépréciation du papier-monnaie en France à l'époque révolutionnaire. — Les dictionnaires laborieux. — La poule blanche. — Projets oubliés, projets abandonnés. — Publications du « Mercure de France».

Mort de Claude Terrasse. — Claude Terrasse est mort le 30 juin, âgé de cinquante-six ans, après une longue maladie : Ses amis le savaient condamné que lui espérait encore la guérison ; on dit même qu'il y a quinze jours il n'en doutait pas. Cet optimiste robuste, de si belle humeur, ne pouvait concevoir la mort si proche. Avec lui disparaît un musicien spirituel et charmant, d'une fantaisie très personnelle, le meilleur des hommes, le plus serviable des camarades. Il avait fait ses premières études musicales à Lyon et les avait continuées à l'Ecole Niedermayer. Il fut organiste dans diverses églises, et à cette époque il composait de la musique sur des œuvres de Franc-Nohain et d'Alfred Jarry. On se rappelle le « Théâtre des Pantins », où Jarry manœuvrait les ficelles des marionnettes d'Ubu Roi et jouait la pièce dans un ton que nul interprète, même l'excellent Gémier, n'a jamais égalé. Tout le public ami chantait en chœur la Chanson du Décervelage, et la Marche des Polonais déchaînait un bruyant enthousiasme. Puis c'étaient les chansons de Franc-Nohain : Trois Chansons à la Charcutière, La Complainte de M. Benoit, Berceuse obscène, etc. Lugné-Poe joua Ubu Roi à l'Œuvre. Alors commença la réputation de Claude Terrasse. Il fit représenter des pièces aux Variétés, à l'Opéra-Comique, à Lyon, à Monte-Carlo, dont les librettistes étaient Courteline, Tristan Bernard, Robert de Flers et Caillavet, Jules Lemaître, Maurice Donnay, Abel Hermant, Alfred Jarry, Franc-Nohain. On en connaît la liste : Ubu Roi, Panthéon-Courcelles, La Petite Femme de Loth, Les Travaux d'Hercule, Le Sire de Vergy, Le Mariage de Télémaque, Du Temps des Croisades, Chonchette, Monsieur de La Palisse, Pantagruel, Pâris ou le Bon Juge, Cartouche, Les Transatlantiques, Miss Alice des P. T. T. Une pièce de M. Albert Carré, Frétillon, pour laquelle Terrasse a écrit la musique, n'a pas encore été jouée, non plus qu'un opéra-comique de MM. Lavedan et Millet : Sire, et des opérettes de Franc-Nohain. Il laisse inachevé un Guignol Directeur des Beaux-Arts, ouvrage parodique, sorte de « A la manière de !.. » en collaboration avec M. Pierre Chapelle.

Les obsèques de Claude Terrasse ont été célébrées le 3 juillet à l'église Notre-Dame d'Auteujl. Très nombreuse assistance. Très belles fleurs. Le deuil était conduit par Mme Terrasse, ses trois fils, ses deux filles et son gendre, M. Jean Floury, Des soli ont été exécutés par M. Francell, de l'Opéra-Comique. Au cimetière Montmartre ont prononcé des discours : MM. André Messager, président de la Société des Auteurs et Compositeurs de Musique, Pierre Chapelle, au nom de la Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique, Alexandre Georges, un nom des anciens élèves de l’Ecole Niedermayer. — A. V.

(Mercure de France, 15 juillet 1923 pp. 564-565)