M. Ch.-Th, Féret vient de faire paraître sur la Normandie un livre tel que j'en voudrais voir publier sur toutes nos provinces. Mais La Normandie exaltée est un recueil de poèmes et ce n'est pas à moi qu'il appartient ici de vous dire quel parfum de Ronsard et de de Heredia en émane. Je laisse à Pierre Quillard ce soin, en me contentant de signaler les savoureuses illustrations d'Heidbrinck, les notations pénétrantes de Mme Gonyn de Lurieux et les croquis de MM. Léon Le Clerc et Benet (Yvanohé Rambosson, « Publications d'art », Mercure de France, juillet 1902, p. 255).


Depuis quelques années, grâce aux efforts de quelques amoureux du passé, de quelques poètes et écrivains comme MM. Ch. Th. Féret, Encoignard, G. Dubosc, Jean Bertot, et de quelques passionnés de folklore, la vieille Normandie ressuscite peu à peu d'un autrefois dans lequel elle semblait pour toujours irrémédiablement ensevelie. Une brochure au titre simple, la Pomme à Lisieux, nous est un précieux enseignement sur les efforts qui de tous côtés sont faits pour conserver les monuments vétustes et pour perpétuer la mémoire des traditions pittoresques. À Lisieux particulièrement M. Chéron, maire de l'endroit, M. Encoignard et M. de Boislaurent aidé de quelques Lexoviens de goûts artistiques, ont fondé la Société du Vieux Lisieux, qui vient d'acheter trois vieilles maisons du plus curieux caractère pour en faire des musées locaux. On ne saurait trop féliciter les initiateurs et ceux qui les aident dans leur entreprise comme Mme Herbet, M. Ed. Groult, M. Rosier, M. Poubelle, M. Delobeau et d'autres qui, par leur bonne volonté et leur aide pécuniaire, ont favorisé l’éclosion de cette société qui servira de modèle certainement à ceux qui voudront créer des organismes du même genre dans les autres vieilles cités normandes (Yvanohé Rambosson, « Publications d'art », Mercure de France, décembre 1902, p. 813-814).


Clément Marot est-il Normand ? — Clément Marot, né à Cahors, a été rattaché à la Normandie par M. Ch.-Th. Féret dans l'étude sur la littérature normande qui sert de Préface à son Anthologie. Thèse défendable certes, mais si on en examine les divers arguments, on s'aperçoit qu'ils ne renferment aucune preuve décisive.

En effet, si son père était un pur Normand, venu se fixer à Cahors, par son hérédité maternelle (sa mère quercinoise), et par son lieu de naissance, Marot est étranger à la Normandie ; son oeuvre ne contient pas d'allusions au pays normand, et s'il aime Alençon, c'est parce que Marguerite de Navarre y a sa cour. Nulle trace non plus de langage normand dans son vocabulaire.

Si, d'autre part, examinant sa vie et son œuvre, on recherche quels sont les traits de sa physionomie intellectuelle et morale, on trouve chez lui un épicurisme profond, un goût de la vie facile, qui ne reculait pas devant des quémandages parfois peu dignes ; une certaine froideur du cœur, des sentiments très vifs peut-être, en tout cas peu profonds : une violence dans la raillerie, qui fait parfois de lui un polémiste redoutable: une piété réelle, mais modérée : enfin, qualité dominante, une intelligence fine, spirituelle, enjouée, d'homme poil par la culture et la cour.

Reprenant ces traits, on s'aperçoit qu'ils conviennent aussi bien au Méridional, au Quercinois, qu'au Normand, qu'en somme ils sont de partout, en France du moins : et il faudra rnénje avouer que le caractère insouciant et primesautier qu'il manifeste parfois, et son sourire perpétuel, sont plutôt du Méridional.

Par contre, comme il a manqué à Clément Marot deux, vertus vraiment normandes : d'une part la ruse, la finauderie, et d'autre part, la fierté, la gravité mélancolique, il semble qu'on puisse à bon droit continuer à le rattacher au Quercy, pays de sa naissance, et par-dessus tout à la grande famille gauloise et bien française des auteurs de fabliaux, de Rabelais, de Molière et de La Fontaine (Georges Prévot, La Grande Revue, août 1923, reproduit dans « Les revues », Chronique des lettres françaises, n°6, nov.-déc. 1923, p. 781-782..