LE COLIMAÇON

coll. G. de Gourmont

J'aurais placé le buste de l'auteur des Promenades Philosophiques, tout en haut du Labyrinthe ou Colimaçon, qui, pour moi, représente la pensée de Gourmont, inaccessible au commun, habile en détours, trompeuse, spécieuse, contradictoire et secrète par pudeur, par timidité, surtout par orgueil. Il eût dominé ce labyrinthe avec ironie, mais non sans amertume, celle-là même qui fut le poison de son orgueil, l'orgueil qui l'avait retiré du monde (Fernand Fleuret).

Le Colimaçon

Ce n'est pas un mollusque, c'est une sorte d'édifice en verdure, un labyrinthe de charmille qui s'élève dans un coin du jardin des plantes. On en voit parfois de tels dans les vieilles estampes. Celui-là, qui date du XVIIIe siècle, est fort beau. Les Anglais viennent le voir. Il figure dans les guides et sur les cartes postales. Ce n'est d'ailleurs qu'une des curiosités du jardin des plantes, célèbre dans le monde touriste. Il se glorifie aussi d'un cèdre gigantesque, d'un tas d'arbres de la plus belle venue, d'un menneken-piss à peine plus décent que celui de Bruxelles et d'un choix de palmiers, cédratiers, orangers avec leurs oranges, camélias en pleine terre et autres arbustes rares qui s'accommodent d'un climat extrêmement doux. Mais la verdure y vient si bien qu'elle est comme une prison pour les fleurs. C'est le paradis des arbres. Une branche plantée en terre y prend aussitôt racine et devient en quelques saisons arbre à son tour.

Toutes les nuances du vert s'y rencontrent et brodent sur le ciel les plus belles tapisseries. J'écris près d'une fenêtre donnant sur cette tapisserie mouvante que le vent fait vaciller avec un bruit très doux de vagues. Comme ces constructions d'arbres sont émouvantes, mais aussi, comme elles sont accablantes ! Au temps de ma jeunesse on découvrait du haut du colimaçon, un horizon assez vaste et assez plaisant vers de proches collines pleines de moissons. Maintenant les arbres ont envahi tout le champ de la vision : on est un peu plus près de leur cime, voilà tout. Ils témoignent du moins de la fécondité de cette terre et rappellent les temps anciens, où tout ce pays n'était qu'une vaste forêt, à peine pénétrable. Et puis, vraiment, rien n'est plus beau. Ah ! que je plains les régions sans arbres.

coll. Les Amateurs de R. de Gourmont

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