Jacques Doucet avait « engagé » André Suarès comme conseiller pour constituer sa bibliothèque littéraire. L'écrivain, dans une lettre (1), datée du 15 juin 1916, donne les « bases de l'église », Stendhal, Baudelaire, Chateaubriand, Flaubert, Barbey d'Aurevilly, Nerval, Verlaine, Mallarmé, Rimbaud, puis ajoute :

« Il convient de ne pas oublier quelques petites chapelles, niches ou arcs-boutants.

Jules Laforgue.

Villiers de L'Isle-Adam.

Tristan Corbière.

Julles Tellier. Et Samain.

Et tout Huysmans.

Là-dessus, dix ou douze volumes de Gourmont, que je vous dirai ; et d'abord, tout ce qu'il a publié en volumes ou brochures rares, avant 1902. »

Suarès ajoute qu'il se guide « sur [s]on goût et sur le catalogue du Mercure ». Avec Laforgue et Samain, Gourmont est le seul de sa génération à bénéficier d'une mise en valeur typographique, et l'unique pour lequel Suarès précise le nombre (conséquent) de volumes ; tous les autres sont simplement énumérés dans des listes (une première comportant les noms de Jarry, Beaubourg, Signoret, Guérin, Moréas, Aurier, Kahn, Dujardin, Saint-Pol-Roux, Quillard, Henri de Régnier avant 1900, Fort, Bouhélier, Rictus, Dumur, Louÿs, Schwob, Renard, etc. ; la suivante regroupant les Belges : Maeterlinck, Eekhoud, Van Lerberghe, Rodenbach, Mockel, Elskamp, de Boschère, Merrill et Vielé-Griffin (double sic) ; puis les « bouffons » : Ghil, Polti, Tailhade, Baju, etc. ; enfin l'enfer avec Mirbeau, Bloy et les premiers livres de Rachilde).

Mikaël Lugan.

(1) André Suarès-Jacques Doucet, Le Condottiere et le Magicien, correspondance choisie, établie et préfacée par François Chapon, Julliard, Paris, 1994, p. 106.