Louis Dumur, par Félix Vallotton

1. « Louis Dumur », Le Livre des masques, 1896

2. « Les deux cultures », Pendant la guerre. Lettres pour l'Argentine, 1917


1. « Louis Dumur », Le Livre des masques, Mercure de France, 1896

Louis Dumur

Représenter la logique parmi une assemblée de poètes, est un rôle difficile et qui a ses inconvénients. On risque d'être pris trop au sérieux et, par suite, de se sentir porté à maintenir sa littérature dans les tons graves. La gravité n'est pas nécessaire à l'expression de ce que l'on croit être la vérité ; l'ironie pimente agréablement la tisane morale ; il faut du poivre dans cette camomille ; affirmer avec dédain est un moyen assez sûr de n'être pas dupe, même de ses propres affirmations. Cela est très utilisable en littérature, car tout y est incertain et l'art lui-même n'est sans doute qu'un jeu où, philosophiquement, nous nous trompons les uns les autres. C'est pourquoi il est bon de sourire.

M. Dumur sourit rarement. Mais si maintenant, ayant conquis, rien qu'en vivant, plus d'indulgence et quelques droits à la véritable amertume, s'il voulait sourire pour se défendre et se distraire, il semble que toute l'assemblée des poètes protesterait, étonnée et peut-être scandalisée. Alors il demeure grave, par habitude et par la logique.

Il est la Logique même. Il sait observer, combiner, déduire ; ses romans, ses drames, ses poèmes sont des constructions solides dont l'architecture pondérée plaît par la savante symétrie des courbes, toutes dirigées vers un dôme central où l'œil est sévèrement ramené. Il est assez fort et assez volontaire pour, épris d'une erreur, ne l'abandonner qu'après l'avoir acculée à ses conséquences les plus extrêmes, et assez maître de lui-même pour ne pas avouer son erreur et même de la défendre avec toutes les ingéniosités du raisonnement. Tel son système de vers français basés sur l'accent tonique ; il est vrai que le résultat, souvent manqué, car les langues ont, elles aussi, une logique assez impérieuse, était parfois heureux et inattendu avec des « hexamètres » comme celui-ci.

L'orgueilleuse paresse des nuits, des parfums et des seins.

C'est vers le théâtre que M. Dumur semble avoir orienté définitivement son activité intellectuelle. Ses pièces (je ne parle pas de Rembrandt, drame purement historique, de grand style et de vaste déploiement) : d'abord, les pages coupées, on est surpris par un décor rentoilé et des noms repeints, et un jour de réalisme conventionnel, une ordonnance de choses et d'êtres usés sous l'habit neuf et le vernis frais — mais dès la troisième ligne lue, l'auteur affirme qu'en ce triste paysage scénique il fera entendre des paroles valables et qu'un souffle progressif jusqu'à la tempête renversera la plantation.

Le paravent rentoilé est voulu tel que, sa banalité peu à peu détruite, êtres et choses déshabillés par un caprice de la foudre, il ne reste debout qu'une idée nue ou voilée de sa seule obscurité essentielle.

Donc ce vieux-neuf décor est là comme le plus simple, le plus sous la main, et celui où l'imagination neutre d'une foule spectatrice pourra, avec le moindre effort, situer un combat mental dont les armes sont des accessoires de théâtre.

Un homme s'en va par le monde portant avec soi un coffre plein de terre natale et libre ; il porte son amour ; mais un jour il est écrasé par son amour. A l'heure de cette chute, un autre homme comprend : il éloigne de lui la femme qui va lui briser les bras. Aimer, c'est se charger d'un impérieux fardeau au moment même où, cessant d'être libre, on cesse d'être fort. La Motte de Terre expliqua cela avec lucidité et avec force, travail d'un écrivain tout à fait maître de ses dons naturels et qui les manie avec aisance et cet air de domination qui dompte facilement les idées. Il arrive qu'une œuvre soit, et soit supérieure à l'homme et à son intelligence même, mais de peu ; si peu et mensonge innocent, c'est un spectacle humiliant et qui incite au mépris plus que l'aveu écrit de la médiocrité la plus hideuse et la plus adéquate au cerveau qui l'enfanta ; l'homme de valeur est toujours supérieur à son œuvre, car son désir est trop vaste pour qu'il le remplisse jamais, et son amour trop miraculeux pour qu'il le rencontre jamais.

La Nébuleuse, que l'ont vient de jouer, est un poème d'une belle et profonde perspective, où se voient symbolisées, par des êtres ingénus, les générations successives des hommes qui se suivent sans se comprendre, presque sans se voir, tant leurs âmes sont différentes, et toutes toujours résumées, vers le moment de leur déclin, par l'enfant, par l'avenir, par « la nébuleuse » dont la naissance enfin avérée va faire mourir, sous sa clarté matinale, les sourires fanés des vieilles étoiles. Et l'on pressent, la vision close, que ce demain, qui va devenir aujourd'hui, sera tout pareil à ses frères défunts, et qu'en somme il n'y a rien d'ajouté au spectacle dont s'amusent les défuntes années penchées

Sur les balcons du ciel en robes surannées.

Mais ce rien ne laisse pas d'avoir quelque importance pour les atomes humains qui le forment et qui le déterminent ; il est le délicieux nouveau que nous respirons et dont nous vivons. Du nouveau ! Du nouveau ! Et que chaque intelligence affirme, même passagère, sa volonté d'être, et d'être dissemblable des manifestations antérieures ou ambiantes, et que chaque nébuleuse aspire au rôle d'un astre dont la lueur soit distincte et claire entre les autres lueurs !

J'ai lu tout cela dans le texte et dans les silences du dialogue, car lorsque, ce qui arrive, une œuvre d'art est le développement d'une idée, les interlignes mêmes répondent à ceux qui savent les interroger.

M. Dumur est en train de créer un théâtre philosophique, un théâtre à idées, et, parallèlement, de renouveler le roman à thèse, car Pauline ou la Liberté de l'Amour est une œuvre sérieuse, ordonnée avec talent, originalement pensée, et qui implique une rare valeur intellectuelle.


2. « Les deux cultures », Pendant la guerre. Lettres pour l'Argentine, Mercure de France, 1917, pp. 179-190

LES DEUX CULTURES

Voici un sujet sur lequel on a tant écrit au cours de ces derniers temps que je dois dire d'abord mes raisons pour le reprendre. La première est qu'il vient de paraître, sous ce même titre, une excellente étude de M. Louis Dumur (1), écrivain français, mais citoyen suisse, qui a subi l'influence des deux cultures, qui peut les comparer et les juger. La seconde raison est que je voudrais faire à ce propos quelques remarques qui n'ont pas encore été faites. Il faut d'abord définir ce qu'on entend par culture. Le mot est latin, les Allemands s'en sont emparés et par l'influence de Nietzsche, il a passé en français et dans toutes les langues européennes. On le confond souvent avec le mot civilisation, dont il n'est qu'un des éléments. En français, il n'a vraiment qu'un sens, celui de culture du sol, celui qu'on retrouve dans le mot cultivateur. Avant qu'il n'ait été détourné de sa vraie signification, il n'a jamais signifié autre chose. Il y avait la culture de la vigne, la culture du blé, la culture de la betterave. Tout ce qu'on entend maintenant d'intellectuel par le mot culture, on l'exprimait autrefois par les mots civilisation, éducation, esprit. La civilisation est quelque chose d'humain, d'européen, qui ne saurait appartenir à aucun peuple particulier de l'ancien ou du nouveau monde. Il y a des civilisés, des demi-civilisés et des non-civilisés, voilà tout. L'éducation est plus variable. Elle comporte beaucoup de nuances, jusqu'à la nuance individuelle. Enfin, pour qualifier la nature intellectuelle d'un peuple, on s'est servi autrefois du mot esprit, qui est très bon. Il est clair que les esprits des différents peuples, qui appartiennent au monde civilisé, diffèrent profondément entre eux. L'esprit est français, anglais, allemand, américain (avec beaucoup de nuances), espagnol, italien, etc. On pourrait se servir de ce mot, mais il a des sens trop divers et trop obscurs aussi. Jadis il voulait dire ce qu'il y a d'essentiel dans une intelligence. Il voudrait surtout dire aujourd'hui la manière originale de s'exprimer et ne serait compris que dans un sens très restrictif. Je reconnais que culture vaut mieux. Mais je voudrais aussi que l'on reconnût que ce qui vaudrait mieux encore, c 'est le mot génie. C'est le sens qu'il a pour les Allemands. Dire la culture allemande, c'est dire le génie allemand. Ils opposent la culture à ce qu'ils nomment Bildung et qui est proprement à la fois l'instruction et la manière de s'en servir, la méthode. Les Allemands étant plus studieux que spontanés, ils ont plus de Bildung que de culture, déclare Nietzsche qui va jusqu'à la leur refuser tout entière. Cependant cela ne se comprend pas bien dans nos langues latines où l'idée de culture, même intellectuelle, implique l'idée de travail et où un esprit cultivé est justement un homme qui a reçu une très bonne instruction et qui l'a augmentée par ses propres études. Il est absurde de vouloir exprimer dans nos langues l'idée de génie naturel par le mot culture qui exprime l'idée opposée. Comme je tiens particulièrement à écrire en français, c'est donc le mot génie que je voudrais employer, mais comme toute la théorie des deux cultures repose sur la définition qu'en a donnée Nietzsche et que Nietzsche, d'esprit plus allemand qu'il ne croyait, s'est servi du mot culture, employons-le pour nous demander s'il y a une culture allemande et quelle est sa valeur.

« Savoir beaucoup de choses, dit-il, n'est ni un moyen nécessaire pour parvenir à la culture ni une marque de cette culture et, au besoin, cette science s'accorde au mieux avec le contraire de la culture, avec la barbarie, c'est-à-dire le manque de style ou le pêle-mêle chaotique de tous les styles. L'exemple des Allemands est là pour le prouver, car c'est précisément dans ce pêle-mêle que vit l'Allemand d'aujourd'hui. Comment se peut-il qu'il ne s'en aperçoive pas, malgré son savoir profond ? Tout devrait pourtant l'instruire : chaque regard jeté sur ses vêtements, son intérieur, sa maison, chaque promenade à travers les rues de ses villes, chaque visite dans ses magasins d'objets d'art et de mode. L'Allemand amoncelle autour de lui les formes et les couleurs, les produits et les curiosités de tous les temps et de toutes les régions et engendre ainsi ce modernisme bariolé qui semble venir d'un champ de foire. » Il y a un autre nom à ce que Nietzsche accumule ici comme preuve de manque de culture antique. C'est ce qu'on appelle le mauvais goût et, malheureusement, que cela soit ou non sous la mauvaise influence allemande, presque tous les peuples modernes et les Français aussi en ont été atteints. Le chaos des styles n'est pas un travers exclusivement allemand. Et même on peut dire que nous ne connaissons pas le style, que nous sommes incapables d'en créer un qui satisfasse à la fois la raison et le besoin indéfini de nouveauté qui caractérise l'esprit humain et qui fait qu'un objet usuel, tout en demeurant le même, change légèrement de forme à chaque génération. Il faut dire cependant que si le génie français a beaucoup perdu de sa sensibilité artistique et de sa faculté créatrice, il a gardé un remarquable sens critique et a délibérément rejeté, non sans horreur, le style allemand, le style de Munich, symbole même du mauvais goût et de la prétention. Il l'a rejeté, mais pas assez tôt pour n'en être pas légèrement infecté. En réalité, quand la guerre a éclaté, nous étions peut-être en train de nous y laisser prendre. Notre besoin de nouveau avait capitulé et accepté, faute d'autre chose, comme des créations, le mauvais goût allemand. Tout suit le canon. Après la guerre de 1870, nous ne pouvions plus imposer grand chose au monde, et nous nous sommes laissé nous-mêmes imposer par le vainqueur tout ce qu'il a voulu avec ténacité, et cela sans le vouloir, par la force des choses. Nietzsche est mort trop tôt pour avoir vu l'envahissement de la France par le goût allemand, mais il connaissait bien la qualité de ce goût, il l'a bien défini et par avance nous avait mis en garde contre lui. Pour lui, qui voyait de très près ce qui manque aux Allemands, il disait surtout qu'il n'ont pas de culture, parce qu'il identifiait la culture et le style, ce qui serait assez difficile à comprendre, si nous n'avions précisément cité le passage où il expose son idée et ce qui, malgré tout, reste un peu obscur.

M. Louis Dumur a bien vu que dire : la culture c'est le style, pour faire suite au mot de Buffon : le style, c'est l'homme, n'est pas suffisant. Il a donc cherché une autre définition et il propose celle-ci : « La culture, disons-nous, c'est une civilisation créatrice, ou, pour nous exprimer en une formule moins brève, mais plus explicite, la culture, c'est un mouvement civilisateur favorisant la production, dans tous les domaines ou dans un grand nombre de domaines, de formes originales, d'idées nouvelles, de sentiments caractéristiques, pour aboutir à la création d'un vaste ensemble stylisé et cohérent, offrant d'une façon reconnaissable entre toutes le mode d'un peuple de vivre, d'envisager la vie et de l'exprimer par ses arts, par sa pensée, par ses métiers et par ses mœurs. » C'est très clair. Il n'y a qu'un mot qui détonne dans cette phrase et c'est précisément le mot même de culture. M. Dumur a donné excellemment la définition même de ce que l'on doit appeler le génie des peuples. Mais encore une fois, laissons et acceptons l'inévitable. En suivant cette définition, on verra du moins très nettement qu'il entend donner à la culture un rôle actif qui la différencie parfaitement de la Bildung : « Elle crée, dit-il, un ordre de choses qui n'existait pas avant elle ; elle forme quelque chose de nouveau, colore différemment la vie, apporte une autre note à la civilisation et lui découvre un aspect inédit. » C'est ce que les Allemands d'aujourd'hui ne semblent pas avoir compris, mais ne semble-il pas qu'aucun peuple moderne ne l'ait compris davantage ? Est-ce que nous ne voyons pas partout l'instruction confondue non seulement avec l'intelligence, mais avec la moralité même ? Est-ce que partout l'idéal de la civilisation n'est pas d'apprendre et encore apprendre ? Un « civilisé » complet, digne de tous les diplômes et, par conséquent, de l'estime et même de la vénération universelle, ne sort définitivement des écoles que vers l'âge de trente ans, quelquefois plus, beaucoup plus. Alors est-ce que l'Allemagne, où ce régime est poussé à l'extrême, n'avait pas quelques droits à se croire à la tète de la civilisation ? Les autres peuples sentent bien maintenant qu'il y a autre chose, dans la république de l'esprit, que ce qui s'apprend, mais tous ont participé à la même erreur. L'avenir est probablement à la nation qui s'apercevra la première qu'il est plus important de vivre que d'apprendre et qu'il y a plus de choses dans la vie que dans toutes les philosophies et dans toutes les sciences. Le présent débat sur le ridicule mot culture n'aura pas été inutile s'il fait réfléchir sur ce point.

Il est bien certain que si on donnait aux mots le sens qu'ils devraient avoir, la France, l'Italie, l'Espagne, seraient plutôt des pays d'esprit spontané, et des pays de génie et l'Allemagne un pays de culture, un pays de méthode. C'est aux nations celtiques et latines, qu'appartient l'invention et la fantaisie. Les pays germaniques doivent se contenter de coordonner, de perfectionner peut-être les inventions des autres. En art et littérature où l'invention de la forme est à peu près tout, ils se borneront à l'imitation. Dans la science, il en sera de même, mais leurs travaux en ce genre pourront acquérir une certaine importance par leur activité, leur accumulation, leur logique. Par exemple Pasteur invente de toutes pièces la bactériologie et cela ne veut pas dire que les travaux allemands sur ce sujet soient méprisables, mais ils seront presque toujours de second ordre. En poésie, après Gœthe qui doit tout aux Grecs et aux classiques français, ils ont Heine, qui était si peu Allemand qu'il était Juif. En art, peu de chose qui soit vraiment original. Ils semblent triompher en musique et, quoi que dise M. Dumur et d'autres qui veulent que Beethoven soit d'origine flamande, je reconnais volontiers pour ma part que la musique allemande est incontestablement supérieure aux musiques italienne et française. Près de Beethoven et peut-être au-dessus il faut placer Mozart et le doute sera impossible. II n'y a aucune musique au monde qui puisse remuer l'âme comme une sonate de Mozart, et qu'est-ce que la marche funèbre de Chopin, quoiqu'elle soit un chef d' œuvre aussi, auprès de celle de Beethoven ? Il y a encore une branche de l 'activité intellectuelle où il ne semble guère possible de surpasser les Allemands. Le pays qui a produit Kant, Schopenhauer et Nietzsche est assurément au premier rang des créateurs en philosophie. Il n'est pas de point de vue patriotique qui puisse me faire dire le contraire. Il n'y a peut-être au-dessus de ces trois qu'un philosophe moderne que l'on puisse nommer, c'est Spinoza ; mais de celui-là aussi ce n'est pas une autre nation vivante qui puisse s'en prévaloir, puisqu'il appartient, comme Heine, à une race qui forma jadis le peuple de Dieu. Les Allemands ont dû regretter souvent que Spinoza ne leur appartînt pas. En vérité ils auraient dû posséder celui qui est le philosophe de la méthode par excellence. Spinoza devrait être Allemand, comme Heine devrait être Français. Tous les deux sont des paradoxes de l'esprit, des jeux de la nature, comme on disait autrefois. Finalement, c'est aussi un paradoxe de dire qu'il n'y a pas de culture allemande, parce que l'Allemagne n'a pas eu beaucoup de brillants écrivains, ni beaucoup de brillants poètes, ni beaucoup de créateurs dans le domaine des arts plastiques ni dans celui des sciences qui demandent de l'invention. Qu'il ne soit pas absolument certain que ce soit l'Allemand Gutenberg qui inventa l'imprimerie, que ce soit peut-être le Hollandais Laurent Coster ou même un Juif d'Avignon resté inconnu, c'est ce qui ne diminuerait pas beaucoup la part de l'Allemagne dans la civilisation, car il est bien certain que ni Gutenberg, ni Coster, ni le Juif d'Avignon n'eurent conscience de la valeur intellectuelle et civilisatrice de leur invention. En virent-ils même la portée industrielle ? C'est peu probable et d'ailleurs bien peu quinzième siècle. En somme, la civilisation allemande n'a été créatrice que dans deux domaines, très éloignés l'un de l'autre, la musique et la philosophie. Le mouvement romantique, qui a envahi l'Europe au commencement du siècle dernier et dont les romantiques faisaient honneur à l'Allemagne, ne lui appartient guère, sauf pour un certain tour sentimental qu'ils avaient d'ailleurs puisé dans les écrits de J.-J. Rousseau. Le sentimentalisme de Rousseau fut introduit en Allemagne par Gœthe, l'homme le moins sentimental du monde, et l'auteur de Faust, qui mettait au-dessus de tout les tragiques grecs, devint en France le patron du romantisme. Ce fut un quiproquo, mais qui n'en eut pas moins une grande influence sur la littérature française et toutes les littératures méridionales.

M. Dumur, auquel on fera bien de ne pas attribuer toutes les remarques qui précèdent, conclut dans son étude remarquable à ce que l'on ne dénie pas toute culture, c'est-à-dire, au sens où il prend le mot, tout génie créateur à l'Allemagne et, quoiqu'il mette bien des restrictions dans cette conclusion, j'aurai le courage d'être de son avis, mais avec beaucoup moins de réserves. Ce génie n'est pas, comme ils le croient, universel et digne de toute suprématie. Il est, au contraire, très limité, mais profond et n'a pas été sans rayonnement.

(1) Louis Dumur : Culture française et culture allemande, « Cahiers Vaudois », Lausanne.

[texte communiqué par Hans-Ulrich Seifert]

Dumur par Rouveyre.