Edmond Barthèlemy : L'Œuvre critique de Thomas Carlyle, 193
Jules Sageret : Paradis laïques : Le Paradis de Zola (Travail), 218
Jules Troubat : Un coin de littérature sous le Second Empire : Sainte-Beuve et Champfleury, lettres inédites (fin), 234
Jules Bois : L'Humanité divine : Les Roses du dieu Chrishna, poème, 262
René Martineau : Autour de Tristan Corbière, 267
Chevalier de l'Isle : Lettres familières pendant l'année 1781, 275
Maurice Hewlett (Henry-D. Davray et B. Kozakiewicz trad.) : Ippolita sur les collines, roman (I-IV), 290

REVUE DE LA QUINZAINE

Remy de Gourmont : Epilogues : Dialogues des Amateurs : XLV. Maroc, 314
Pierre Quillard : Les Poèmes, 316
Rachilde : Les Romans, 321
Jean de Gourmont : Littérature, 325
Edmond Barthèlemy : Histoire, 328
Charles Merki : Archéologie, Voyages, 334
Louis Le Cardonnel : Questions morales et religieuses, 337
Charles-Henri Hirsch : Les Revues, 342
R. de Bury : Les Journaux, 348
Ernest Gaubert : Les Théâtres de plein air, 351
Auguste Marguillier : Musées et Collections, 355
Paul Souchon : Chronique du Midi, 361
Marcel Montandon : Lettres roumaines, 365
E. Séménoff : Lettres russes, 369
H. Messet : Lettres néerlandaises, 375
Marcel Montandon : Variétés : N.-J. Grigoresco, 379
Mercure : Publications récentes, 382

Echos, 382


LITTERATURE

Emile Godefroy : Critique de la Perfection : Les stances de Jean Moréas ; « Vers et Prose. » — Maurice Gauchez : Charles Guérin ; « Le Thyrse ». — H.-L. Follin : A propos d'un livre de Maeterlinck. — Georges Rency : J.-J. Rousseau. Riposte à M. Jules Lemaitre ; « Association des Ecrivains belges ».


LES REVUES

La Revue : M. Henri d'Almeras explique pourquoi la vente des livres français diminue. — La Revue des Idées : M. Gonzague Truc étudie si le christianisme a une valeur éthique. — La nouvelle Revue : M.-G Foucart montre l'Egypte actuelle agitée et les Pyramides, un jour férié. — Revue des Poètes : une chanson de M. Abel Bonnard. — Mémento.

§

MEMENTO. — — La Revue du mois (10 août). — M. Th. Ruyssen : la Guerre est-elle fatale ? — M. G. Mittag-Leffler : un article remarquable sur son grand compatriote Niels Henrik Abel, le mathématicien.

La Phalange (15 août).— De belles pages de M. J.-A. Nau sur Alger. —

La Revue de Paris (15 août) commence un roman de M. E. Guillaumin : Rose et sa « Parisienne ». — De M. A. Le Braz : Chateaubriand professeur de français. — Poésies, par M. J. Bois.

La Grande Revue (10 août) : Léon Tolstoï : La Question agraire. — G. Jeanniot : En souvenir de Manet.

Revue bleue (17 août). — La mort de Marie Pellegrin, par le romancier anglais George Moore. — De M. E. Pilon : L'Inquiétude dans la Garenne.

CHARLES-HENRY HIRSCH.


LES JOURNAUX

Mahomet au théâtre (Le Temps, 23 août). — Brûlez les bibliothèques (Le Gaulois, 2 septembre).

La représentation du Mahomet de Henri de Bornier fut interdite, on s'en souvient peut-être, quoique l'anecdote soit, au premier abord, d'un médiocre intérêt. C'était, disait-on, la Porte qui nous avait demandé cette concession en termes émus, et on s'était empressé d'acquiescer pour faire plaisir au grand Turc. M. Claretie nous donne de cette petite histoire une autre version beaucoup plus intéressante. Ce Mahomet aurait été sur le point de fomenter des troubles en Algérie ! Et ce n'est que sous la menace d'une insurrection, du moins, d'une grave agitation, que Spuller, alors ministre, interdit cette tragédie. Les Arabes, dit M. Claretie, dans le Temps, sont tenus fort exactement au courant de toute nouvelle qui peut les intéresser, et il continue :

J'en eus un frappant exemple lorsque l'auteur de la Fille de Roland fit recevoir à la Comédie-Française son drame intitulé Mahomet. Dans sa joie d'avoir une pièce nouvelle bientôt représentée, Henri de Bornier, charmant causeur, d'une verve toute méridionale, raconta le sujet de son œuvre à M. de Blowitz, alors correspondant du Times à Paris. Pour le poète, le Prophète avait eu le tort impardonnable de négliger dans sa religion cet être de dévouement et d'amour, la femme ; trahi et frappé par la femme, il comprenait son erreur, et, au dénouement, abjurait presque sa foi en songeant à celui qui avait compris, relevé, affranchi la femme, fût-elle adultère, et il mourait en exhalant, comme un remords, ce nom : Jésus !

Je ne m'imagine pas bien Mahomet expirant en faisant le signe de la croix. Mais la conception du poète avait de la grandeur, et M. de Blowitz s'empressa d'analyser la pièce et de conter le dénouement aux lecteurs du Times. C'était une primeur comme une autre. Seulement, on lit le Times à Constantinople, chez le sultan, et même en Algérie, dans les douars, comme Abd el Kader lisait les journaux du temps de Louis-Philippe. Et le sultan s'inquiéta à l'idée de savoir que le Prophète allait être sacrifié à Jésus sur la scène française ; les Arabes, là-bas, s'irritèrent parce que leurs journaux à eux (gazettes imprimées en arabe ou gazettes parlées, plus terribles que les autres) leur apprenaient que les Parisiens, les Français, les roumis allaient se moquer de Mohammed sur les planches d'un théâtre et qu'un acteur incarnerait avant peu le Prophète sacré, le Prophète en personne.

On sait que le sultan intervint et demanda que Mahomet ne fût point joué, et comme sa mauvaise humeur était évidente, à la veille de la visite de l'empereur d'Allemagne en Turquie, Mahomet fut interdit pour des raisons diplomatiques. Mais à ces raisons extérieures, des motifs particuliers venaient s'ajouter, qui n'étaient pas sans peser dans la balance.

— Vous ne le croirez point, me disait Eugène Spuller, alors ministre des Affaires étrangères, cette question de la représentation de Mahomet émeut plus profondément l'Algérie que le boulevard. Ici, ce sont les nouvellistes de théâtre qui s'en occupent ; là-bas, ce sont tous nos sujets musulmans qui s'en préoccupent. Nous avons des rapports très précis qui nous signalent une effervescence chez certaines tribus, indignées de l'insulte projetée contre le Prophète. Voyez-vous M. de Bornier provoquant une révolte en Algérie !

Les Arabes avaient lu les journaux. L'interview du Times était le sujet quotidien des réunions sous la tente.

Henri de Bornier avait, sans le vouloir, éveillé des idées de guerre sainte.

§

Brûlez les bibliothèques ! C'est le conseil fort sage que, dans le Gaulois, M. Abel Hermant donne à ces gens de lettres que la gloire et le succès persistant de leurs aînés gêne dans leur vanité et dans leurs intérêts :

Gardons-nous de détruire certains préjugés un peu naïfs, mais nobles ou élégants. Il ne me déplaît point, par exemple, que l'on croie au désintéressement des artistes, et particulièrement des gens de lettres. Je n'en suis pas dupe. Je sais que, de tout temps, et non pas seulement aujourd'hui, les plus idéalistes furent parfois les plus âpres au gain. Il est classique de citer l'avarice du Pérugin, et je n'y manquerai donc pas à mon tour trop heureux que cela tombe sur un peintre, — encore que, parmi les littérateurs, je n'eusse que l'embarras du choix. — Mais j'approuve que la rémunération des artistes s'appelle « honoraire » au lieu de s'appeler « salaire ». C'est une fiction de courtoisie, qui ne trompe personne, mais qui flatte, comme la définition que donne Covielle, dans le Bourgeois gentilhomme, du commerce de M. Jourdain, le père : « Il était fort obligeant, fort officieux ; et, comme il se connaissait fort bien en étoffes, il en allait choisir de tous les côtés, les faisait apporter chez lui, et en donnait à ses amis pour de l'argent. »

Cette façon délicate de considérer nos profits nous dispose — je veux dire qu'elle nous devrait disposer — à être fort chatouilleux sur le choix des termes lorsque nous traitons d'un sujet comme celui de la propriété littéraire. Sans doute, nous n'avons point fantaisie de revenir sur le fameux principe : « La propriété littéraire est une propriété » ; et j'ose dire que nous sommes personnellement heureux que nos aînés aient pris soin de le proclamer longtemps avant nos débuts. Nous consentirions même à une extension posthume de la propriété littéraire, qui est, en ce moment, fort souhaitée dans notre république ; mais nous éprouvons un sentiment de gêne lorsque nous entendons alléguer, en faveur de cette mesure, qu'il sied de rendre onéreuse aux éditeurs la publication des auteurs défunts depuis plus de cinquante années, pour empêcher que les morts ne fassent une concurrence trop inégale aux vivants.

Si l'on s'engage dans cette voie, je me demande pourquoi l'on ne pousse point d'abord jusqu'à l'extrémité. Il est mesquin d'imposer aux éditeurs de Balzac et d'Alfred de Musset une dépense supplémentaire de cinquante ou de soixante centimes par volume. Faites mieux : tuez les morts. Brûlez la bibliothèque d'Alexandrie — ou la Bibliothèque nationale.

Considérant ensuite la question sous un jour tout philosophique, M. Hermant se demande si le désir d'immortalité qui anime beaucoup de nos contemporains n'est pas, tout en étant fort respectable, un peu absurde, sinon comique :

Ainsi, quand Edmond de Goncourt, averti par un astronome que notre système cessera d'être d'ici à quelques millions d'années, note dans son « Journal » qu'alors ce n'était vraiment pas la peine qu'ils eussent tant besogné, son frère et lui, pour ne se survivre que si peu, nous sommes excusables de sourire.

Mais ce sourire est inconséquent. Cette note, un peu comique, ne l'est pas, à tout prendre, davantage que l'exegi monumentum œre perennius. M. de Goncourt veut être immortel ? Tous ceux qui écrivent veulent être immortels. Quelle pléthore d'immortalité ! Si les œuvres et les noms ne périssent pas, où leur assigner une place ? Voilà bien la faillite de la mémoire. Seulement, je doute que la mémoire humaine en soit à sa première déconfiture. Je suis persuadé qu'elle est au-dessus de ses affaires depuis très longtemps.

Il faut que les littérateurs se fassent une idée plus raisonnable de la destinée qui les attend. D'abord, cette immortalité personnelle, qui est la seule chose à quoi leur pauvre orgueil semble attacher du prix, est un phénomène d'une grande rareté. Pour ma part, je n'en discerne pas trop bien les causes. Il se peut que le succès posthume, de même que le succès contemporain, résulte de circonstances fortuites, qui ne témoignent aucunement du mérite d'un homme et d'une œuvre. De toute manière, une aventure si aléatoire ne peut pas être notre unique raison de travailler. Je trouve absurde l'alternative qu'on pose ordinairement, qu'il faut écrire pour la postérité la plus reculée, ou qu'il ne vaut pas la peine d'écrire.

Pour M. Abbel Hermant, les livres trouvent leur plus grande valeur dans l'expression de la sensibilité et de l'intelligence d'une époque. L'époque est passagère ; il est tout naturel qu'ils le soient aussi. Mais je crois que M. Hermant est bien bon de supposer à la Société des gens de lettres des préoccupations de cet ordre. C'est un milieu où on goûte plutôt les questions fiscales que les questions littéraires. Pour contenter cette société, le ministre a nommé une commission, comprenant un nombre inusité de femmes, au premier rang desquelles figure Mlle Marni. C'est Mlle Marni qui va décider à quelles conditions onéreuses on aura désormais le droit de réimprimer Montaigne, Pascal ou Chamfort. On ne pouvait faire un choix plus heureux ni plus représentatif des intérêts solidaires des érudits, des libraires et des imprimeurs.

R. DE BURY.


ECHOS

Mort de Sully-Prudhomme. — Wilhelm de Humboldt et Goethe. — Epilogue d'un scandale. — Une nouvelle Salomé. — L'Art belge au Salon d'Automne. — Le Sottisier universel.

Mort de Sully-Prudhomme. — Sully-Prudhomme est mort le 6 septembre, dans sa villa de Châtenay, succombant à la douloureuse maladie qui l'immobilisait depuis cinq ans dans un fauteuil. Né en 1839, il débuta dans la vie littéraire en 1865 avec un mince volume intitulé Stances et Poèmes, où se trouvait une courte pièce, le Vase brisé, déjà célèbre dans son petit cercle d'amis et qui allait rendre son nom presque immédiatement populaire. Parmi ces amis figurait Gaston Paris, qui connaissait Sainte-Beuve ; il lui recommanda le volume. Le grand critique, sans lequel il n'y avait pas de bonne renommée littéraire, lui consacra un article.

Les œuvres qui suivirent, sans avoir le même succès auprès du public, qui persista à ne voir dans Sully-Prudhomme que l'auteur du Vase brisé, valurent au poète une réputation grandissante chez les lettrés de sa génération. Ce furent : les Epreuves, les Solitudes, une traduction en vers de Lucrèce ; puis, après 1870, Impressions de guerre, les Destins, les Vaines tendresses, enfin les deux grands poèmes philosophiques, Justice et Bonheur ; il faut citer en outre un volume sur Pascal et des études d'esthétique, Réflexions sur l'art des vers et l'Expression dans les Beaux-Arts.

Elu à l'Académie en 1881, il recevait en 1901 le prix Nobel pour la littérature, dont il consacrait le montant à fonder un prix pour les jeunes poètes.

Professant des idées assez avancées sur bien des points, Sully-Prudhomme resta cependant singulièrement timoré dans les deux domaines où s'exerça surtout sa vie intellectuelle : en philosophie, où son spiritualisme intransigeant s'alliait mal à l'admiration qu'il avait vouée à Lucrèce ; en poésie, où les nouveautés introduites par les poètes de la génération postérieure trouvèrent toujours en lui un adversaire déclaré.

§

Le Sottisier universel :

Tous en passant saluèrent Floris... et quand le pope eut disparu le dernier... la salle demeura vide. Les cierges brûlaient à grosses larmes... et l'on voyait s'effeuiller soudain les grandes roses. — ELEMIR BOURGES, les Oiseaux s'envolent et les fleurs tombent.

Nous connaissons assez l'hospitalité de nos étudiants pour assurer que, s'ils n'ont pas fait mieux, ils ont du moins fait l'impossible. — La Petite Gironde, 1er septembre.

Il y a dix ans, ni la télégraphie sans fil, ni la radio-activité, ni le téléphone, ni le sérum du croup n'étaient connus. — VICTOR MARGUERITTE, Prostituée.

Sur un même lit de rivière, on trouve quatre cités qui ont été successivement abandonnées vers 300, 800, 1300 et 1840. La dernière abandonnée est naturellement celle qu'on a évacuée vers 1840. — Journal des Débats, 29 août 1907.

En attendant la clôture de l'instruction, le magistrat a confié provisoirement la garde de la jeune Germaine à l'Assistance publique. Le chien favori de Mme P..., qu'elle ne cesse d'ailleurs de réclamer, a été également confié à la fourrière. — Echo de Paris, 30 août.

Vous trouverez en grande abondance les romans de Rod, de Huysmans et de Maeterlinck. Ce sont, certes, trois hommes d'un grand talent, mais enfin le premier est Suisse, justement fier de l'être, et les deux autres sont Belges. — HUGUES LE ROUX. — Le Matin, 9 septembre.

MERCVRE.