JULES DE GAULTIER : Le Bovarysme de l'Histoire, 577
SAINT-POL-ROUX : Pour dire aux funérailles des Poètes, 594
ERNEST GAUBERT : Henry Bataille, 597
ARCHAG TCHOBANIAN : Poèmes, 613
ALBERT MAYBON : Le Programme des démocrates socialistes chinois, 619
GABRIEL VOLLAND : Poésies, 632
MARIN : Lettres à Voltaire, publiées par M. Fernand Caussy, 637
JEAN DE GOURMONT : La Toison d'or (VI-XIV), roman, 653

Revue de la Quinzaine : REMY DE GOURMONT : Epilogues ; Dialogues des Amateurs : LIX. Champagne, 683. — PIERRE QUILLARD : Les Poèmes, 686 — RACHILDE : Les Romans, 690. — JEAN DE GOURMONT : Littérature, 695. — HENRI MAZEL : Science sociale, 699. — CHARLES MERKI : Archéologie, Voyages, 703. — Louis LE CARDONNEL : Questions morales et religieuses, 707. — CHARLES-HENRY HIRSCH. — Les Revues, 711. — R. DE BURY : Les Journaux, 716. — MAURICE BOISSARD. — Les Théâtres, 720. — JEAN MARNOLD : Musique, 723. — CHARLES MORICE : Art moderne, 728. — GEORGES EEKHOUD : Chronique de Bruxelles, 736. — HENRI ALBERT : Lettres allemandes, 742. — HENRY-D. DAVRAY : Lettres anglaises, 746. — PHILEAS LEBESGUE : Lettres portugaises, 700. ? WILLIAM RITTER : Variétés : L'Art de Stanislas Wyspianski, 755. — MERCVRE : Publications récentes, 761 ; Echos, 763.

ÉCHOS

Guillaume Monod a-t-il porté la barbe ? -— Un projet d'épuration de la langue persane. — Antiquités mexicaines. — Hongrie et Grande-Roumanie. — Le Vieux Pétersbourg. — Le Théâtre de Calama. —. Mœurs de Presse..— Une Première à Poitiers. — Histoire vraie. — Publications du Mercure de France —« Le Sottisier universel.

Guillaume Monod a-t-il porté la barbe ?

Paris, 10 avril.

Mon cher Vallette,

Je dois être le « huguenot émancipé » auquel se référait M. Remy de Gourrnont dans son spirituel Dialogue du 15 mars, au sujet de la barbe de celui qui fut Jésus II. Je me souviens, en effet, d'avoir contemplé une fois le Messie. Ce devait être vers 1883 ou 84, et j'étais extrêmement jeune. Je me rappelle avoir été conduit par une personne pieuse dans une minuscule chapelle de Neuilly, et là, devant un auditoire discret d'une vingtaine de personnes avoir vu, dans une chaire modeste, un homme d'aspect digne qui était Guillaume Monod en personne. Mon souvenir me le représente comme muni d'une barbe grise peu longue et à poil rare.

Des informations que je viens de prendre sur l'authenticité de cette barbe concordent cependant avec l'affirmation de M. Gabriel Monod. Il paraît certain que Jésus II ne portait pas ordinairement la barbe. Mais ne l'a-t-il jamais portée ? Dois-je croire que mes bien vagues souvenirs m'ont trompé et que ce n'est que par une association d'images trop naturelle que je lui ai donné de la barbe comme à un prophète ?

Ce que je me rappelle mieux, par exemple, c'est d'avoir écouté le sermon avec une attention soutenue dans l'espoir d'y découvrir l'indice de la divinité du prédicateur. Mais cet espoir fut déçu. Pas un instant Guillaume Monod ne fit allusion à sa haute qualité. Ce ne fut qu'à la fin, lorsqu'il donna sa bénédiction « au nom de son père », que je crus comprendre qu'il soulignait avec quelque intention cette formule, autrement banale. C'est que Guillaume Monod était un Christ d'une grande modestie. Il n'était pas revenu sur terre pour fonder une nouvelle religion ou redonner quelque lustre à l'ancienne. Il ne cherchait pas à faire des prosélytes. Son rôle était autre. Il s'était réincarné pour mener une vie obscure, toute de souffrance intime et d'humilité, afin accomplir peut-être quelque tâche de sacrifice mystérieux qu'il n'avait pas eu le temps d'achever dans sa première et brillante incarnation.

Mais ses croyants — il en eut quelques centaines (dont aucun, il faut le dire, de la très nombreuse famille Monod) — rêvaient pour lui, comme autrefois les disciples du premier Jésus qui voyaient déjà celui-ci roi des Juifs, de plus hautes destinées. Ils se le figuraient volontiers comme devant être immortel, et on me raconte l'effarement où fut plongée une dame monodiste de Genève lorsqu'elle apprit la nouvelle stupéfiante de la mort de son Dieu.

Ces aberrations ne sont d'ailleurs point l'apanage du protestantisme. Si je n'ai pas entendu Guillaume Monod déclarer qu'il était le Christ, je me rappelle fort bien, par contre, avoir entendu un jour, en propres termes et de mes propres oreilles, un jeune poète de talent, de naissance et d'éducation catholiques, et qui n'était pas fou, me dire sérieusement en plein jardin du Luxembourg : « Je suis Jésus. »

Bien à vous.

LOUIS DUMUR