1. « Les Nouveaux venus », 15 janvier
2. « Revues indépendantes », 15 janvier
3. « Les Nouveaux venus », 1er mars
4. « Les Nouveaux venus », 1er mai
5. « Les Goncourt », 1er août
6. « Les Nouveaux venus », 15 septembre
7. « Revue des livres », 1er octobre
8. « Revue des livres », 15 octobre
9. « Revues indépendantes », 15 novembre


1. « Les Nouveaux venus », 15 janvier, pp. 124-133

LES NOUVEAUX VENUS

QU'EST-CE QUE LE SYMBOLISME ?

Il est difficile de caractériser une évolution littéraire à l'heure où les fruits sont encore incertains, quand la floraison même n'est pas achevée dans tout le verger. Arbres précoces, arbres tardifs, arbres douteux et qu'on ne voudrait pas encore appeler stériles : le verger est très divers, très riche, trop riche ; — la densité des feuilles engendre de l'ombre et l'ombre décolore les fleurs et pâlit les fruits.

C'est parmi ce verger opulent et ténébreux qu'on se promènera, s'asseyant un instant au pied des arbres les plus forts, les plus beaux ou les plus agréables.

Quand elles le méritent par leur importance, leur nécessité, leur à-propos, les évolutions littéraires reçoivent un nom ; ce nom très souvent n'a pas de signification précise, mais il est utile : il sert de signe de ralliement à ceux qui le reçoivent, et de point de mire à ceux qui le donnent ; on se bat ainsi autour d'un labarum purement verbal. Que veut dire Romantisme ? Il est plus facile de le sentir que de l'expliquer. Que veut dire Symbolisme ? Si l'on s'en tient au sens étroit et étymologique, presque rien ; si l'on passe outre, cela peut vouloir dire : individualisme en littérature, liberté de l'art, abandon des formules enseignées, tendances vers ce qui est nouveau, étrange et même bizarre ; cela peut vouloir dire aussi : idéalisme, dédain de l'anecdote sociale, antinaturalisme, tendance à ne prendre dans la vie que le détail caractéristique, à ne prêter attention qu'à l'acte par lequel un homme se distingue d'un autre homme, à ne vouloir réaliser que des résultats, que l'essentiel ; enfin pour les poètes, le symbolisme semble lié au vers libre c'est-à-dire démailloté, et dont le jeune corps peut s'ébattre à l'aise, sorti de l'embarras des langes et des liens.

Tout cela n'a que peu de rapports avec les syllabes du mot, — car il ne faut pas laisser insinuer que le symbolisme n'est que la transformation du vieil allégorisme ou l'art de personnifier une idée dans un être humain, dans un paysage, dans un récit. Un tel art est l'art tout entier, l'art primordial et éternel, et une littérature délivrée de ce souci serait inqualifiable ; elle serait nulle, d'une signification esthétique adéquate aux grognements du porc ou aux braiements de l'onagre.

En somme, le symbolisme, c'est, même excessive, même intempestive, même prétentieuse, l'expression de l'individualisme dans l'art.

Cette définition trop simple, mais claire, nous suffira provisoirement. Au cours des suivants portraits, ou plus tard, nous aurons sans doute l'occasion de la compléter ; son principe servira encore à nous guider, en nous incitant à rechercher, non pas ce que devraient faire, selon de terribles règles, selon de tyranniques traditions, les écrivains nouveaux, mais ce qu'ils ont voulu faire. L'esthétique est devenue, elle aussi, un talent personnel ; nul n'a le droit d'en imposer aux autres une toute faite. On ne peut comparer un artiste qu'à lui-même, mais il y a profit et justice à noter des dissemblances : nous tâcherons de marquer, non en quoi les « nouveaux venus » se ressemblent, mais en quoi ils diffèrent, c'est-à-dire en quoi ils existent, car être existant, c'est être différent.

Ceci n'est pas écrit pour prétendre qu'il n'y a pas entre la plupart d'entre eux d'évidentes similitudes de pensée et de technique, fait inévitable, mais tellement inévitable qu'il est sans intérêt. On n'insinue pas davantage que cette floraison est spontanée ; avant la fleur, il y a la graine, elle-même tombée d'une fleur ; ces jeunes gens ont des pères et des maîtres : Baudelaire, Villiers de l'Isle-Adam, Verlaine, Mallarmé, et d'autres. Ils les aiment morts ou vivants, ils les lisent, ils les écoutent. Quelle sottise de croire que nous dédaignons ceux d'hier ! Qui donc a une cour plus admirative et plus affectueuse que Stéphane Mallarmé ? Et Villiers est-il oublié ? Et Verlaine délaissé ?

Maintenant, il faut prévenir que l'ordre de ces portraits, sans être tout à fait arbitraire, n'implique aucune classification de palmarès ; il y a même, hors de la galerie, des absents notoires, qu'une occasion nous ramènera ; il y a des cadres vides et aussi des places nues ; quant aux portraits mêmes, si quelques-uns les jugent incomplets et trop brefs, nous répondrons les avoir voulus ainsi, n'ayant la prétention que de donner des indications, que de montrer, d'un geste du bras, la route.

Note des Amateurs : ce texte servira de base à la Préface du Livre des masques où les textes ci-dessous seront repris.

I. — EMILE VERHAEREN.

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II. — HENRI DE REGNIER.

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III. — A.-FERDINAND HEROLD.

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IV. — FRANCIS VIELE-GRIFFIN.

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2. « Revues indépendantes », 15 janvier, p. 192

Revues Indépendantes

Mercure de France. — Janvier. — REMY DE GOURMONT a eu l'heureuse idée de recueillir l'opinion des écrivains nouveaux sur Dumas fils. Ces opinions sont quelquefois très excentriques, mais toujours courageuses et paraissent sincères. Quelle mine d'observations pour un psychologue qui voudrait retracer la physionomie de tous ces « jeunes intellectuels » d'après leurs opinions sur Dumas ! Voici par exemple celle de Maeterlinck...

Je ne me rappelle pas avoir lu une œuvre d'Alexandre Dumas fils...

J. LECLERCQ : Ses pièces sont des chroniques dialoguées.

Ch. MORICE : Non, Al. Dumas fils ne fut pas un grand écrivain... Il n'a pas de slyle, il n'a pas de fond...

L. MUHLFELD : Un moraliste, ce nègre aveugle, entêté, puéril et retors. Il fut au juste, un algébriste.

M. DE REGNIER : On préférerait, peut-être, relire l'œuvre de Dumas père, que voir jouer celle de Dumas fils...

A. REMACLE... Il jugea les femmes par le bas... Notre snobisme contemporain nous fait prendre chaque passant beau discoureur pour un roi de l'esprit...

R. SCHEFFER : Ce qui me plaisait en lui, c'était sa chemise rouge et ses pantalons bleus.

S. VERHAEREN : Dumas fils a fait un théâtre pour Paris, mais non pas pour l'humanité.

etc., etc., etc.

Presque toutes les appréciations sont négatives. La jeunesse n'a pas lu Dumas et le méprise. Cette enquête pèche cependant par sa base. Remy de Gourmont a eu le tort d'accepter toutes les réponses, car il y en a dans le nombre non seulement de stupides, mais provenant de gens tout à fait inconnus. Ces derniers ont sans doute l'avantage de n'avoir encore rien fait, mais ils en abusent cruellement... Les opinions curieuses se noient de la sorte dans une mer de noms sans aucune signification et l'ensemble de l'enquête fait l'effet de ces danses folichonnes qu'on retrouve sur les sarcophages des grands hommes de l'antiquité. Ce n'est plus Dumas qu'on exécute, c'est une bouffonnerie qu'on exécute sur son tombeau !

Dans le même numéro des pages curieuses signées V. CHARBONNEL sur Les Mystiques dans la littérature présente et de REMY DE GOURMONT, sur Hello.

Dans l'Ermitage (Décembre et Janvier) des vers de REGNIER et de VERHAEREN.

La Jeune Belgique (Novembre et Décembre) a un curieux résumé de la littérature belge d'expression française dans ces derniers quinze ans.


3. « Les Nouveaux venus », 1er mars, pp. 406-413

LES NOUVEAUX VENUS (1)

II

MAURICE MAETERLINCK

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ADOLPHE RETTE

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ALBERT SAMAIN

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PIERRE QUILLARD

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(1) Voir la Revue des Revues du 15 Janvier. — Rappelons à nos lecteurs que la Revue, soucieuse de mettre ses lecteurs au courant du mouvement littéraire des Jeune-France étudie, par la plume de M. Remy de Gourmont, le plus brillant critique de l'Art Nouveau, ses représentants les plus doués. Quant aux dessins originaux de M. Vallotton, nos lecteurs trouveront sans doute avec nous que l'artiste est arrivé non seulement à donner des ressemblances frappantes, mais qu'il nous offre, en outre, la vie et le caractère de tous ceux qui ont eu l'honneur de passer par son ingénieux laboratoire.

Ajoutons que le succès de ces articles et de dessins qui les accompagnent est tel qu'on nous a déjà demandé la permission de les publier en plusieurs langues étrangères.

D'après le système adopté par la Revue, le portrait de chaque écrivain est accompagné par une poésie ou un fragment de sa prose — inédit. Après avoir ainsi offert à nos lecteurs des poésies de MM. Verhaeren, Henri de Régnier. Vielé-Griffin, nous faisons accompagner le second article de M. de Gourmont d'un fragment du prochain drame de Maeterlinck et des vers de Pierre Quillard et Albert Samain. Des vers de M. A. Retté paraîtront dans notre prochain numéro. (Note de la Rédaction.)


4. « Les Nouveaux venus », 1er mai, pp. 196-204

LES NOUVEAUX VENUS (1)

III

JULES RENARD

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LAURENT TAIHADE

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LOUIS DUMUR

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GEORGES EEKHOUD

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PAUL ADAM

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(1) Suite des études sur Les Jeunes-France, inaugurées dans le numéro du 15 Janvier 1895, et dans lesquelles la Revue se propose de faire connaître à ses lecteurs tous les jeunes écrivains déjà arrivés ou s'acheminant vers la gloire. (N. D. L. R.)


5. « Les Goncourt », 1er août, pp. 206-211

LES GONCOURT (1)

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(1) Ce n'est pas un hommage à l'illustre mort que cet article. C'est plutôt le portrait d'un vivant fait de son vivant. Nous étions plusieurs à causer un jour avec le maître sur l'attitude des jeunes à l'égard des sommités littéraires de l'époque. On était sous le coup de la passionnante enquête sur Dumas fils, qui, inaugurée et réalisée par Remy de Gourmont, a suscité tant d'agitation parmi les lettrés en France et à l'étranger.

— Quelle sera l'attitude des indépendants de la génération de demain à l'égard de l'œuvre de Goncourt ? demanda un des assistants.

— Voyons plutôt, dis-je, quelle est celle des indépendants d'aujourd'hui à l'égard du vivant...

C'est ainsi que sont nées ces pages écrites par notre distingué collaborateur dans la pleine liberté de son jugement. Hélas ! « l'étude du vivant » qui aurait dû paraître dans la Revue du 1er juillet est devenue, un mois plus tard — légèrement modifiée en présence du malheur — une des fleurs précieuses que nous déposons pieusement sur sa tombe. (Note de la Rédaction.)

Note des Amateurs : à de très légères et peu significatives variantes près, ce texte sera repris dans le IIe Livre des masques.


6. « Les Nouveaux venus », 15 septembre, pp. 492-502

LES NOUVEAUX VENUS (1)

IV

JEAN MOREAS

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STUART MERRIL

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SAINT-POL-ROUX

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ROBERT DE MONTESQUIOU

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GUSTAVE KAHN

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(1) Voir la Revue des Revues , numéros des 15 Janvier, 1er Mars et 1er Mai 1896.


7. « Revue des livres », 1er octobre, p. 87


REVUE DES LIVRES

Le Pèlerin du silence, par REMY DE GOURMONT (Mercure de France). Ce livre offre au public des œuvres brèves imprimées déjà il y a quelques années sous la forme de petits tomes singuliers et même luxueux, plaisir des bibliophiles : Phénissa, tragédie où l'on tue, avec un beau poignard orné de métaphores, une idée ; Le Fantôme, roman assez court, mais intense, où la luxure et le mysticisme s'exaspèrent l'un par l'autre, œuvre malsaine sans doute, mais à la manière des fleurs trop odorantes; Le Château singulier, conte de moins d'ésotérisme et qui semblera tout à fait clair à ceux qui lisent simplement pour s'amuser ; Le Livre des litanies, composé de trois poèmes en prose rythmée d'une langue comme phosphorescente ; Théâtre muet, deux scènes écrites pour un théâtre qui n'existe pas encore ; enfin Le Pèlerin du silence, qui clôt le volume, lui donne son nom et en résume la philosophie. Nous ne croyons pas que cette littérature devienne jamais très populaire, mais elle atteindra son public, celui qui veut des œuvres étranges et originales, des idées et du style qui n'est pas celui de tous les jours, et un peu de mystère, un peu de ce nuage, dont parle M. Stéphane Mallarmé, qui flotte, précieux, sur l'intime gouffre de chaque pensée.


8. « Revue des livres », 15 octobre, pp. 197-198

REVUE DES LIVRES

LIVRES ANGLAIS

Jésus de Nazareth a tragedy, (Jésus en tragédie), by GEORGE BARLOW. (The Roxburghe Press London).

M. Georges Barlow est un esprit hardi et une âme fougueuse, un rêveur à idées et à thèses, en somme un poète philosophe. Les titres de ses œuvres disent ses préoccupations : le Crucifiement de l'Homme, la Parade de la Vie ; il songe à l'humanité, à la destinée des êtres, aux questions supérieures. Son dernier poème indique encore un souci des problèmes religieux ; le titre, prononcé tous les jours, est grandiose et vulgaire, insignifiant et terrible : Jésus de Nazareth.

Ici il faut exposer, au moins par quelques mots, les théories historiques, littéraires et religieuses de la Préface.

M. Barlow, au rebours de M. Andrew Lang et, de toute l'école du Folk-Lore et de la tradition, estime que le véritable intérêt d'un fait religieux réside en ce qu'il contient de vérité historique — ou possible. Il n'admet les traditions que révisées par la science, par la diplomatique, par l'épigraphie, par l'école de Tubinge, par Strauss et par Renan. Il me semble cependant qu'au contraire, les religions ne sont intéressantes que situées hors de l'histoire, que riches de toutes leurs légendes, de tous leurs mythes, — et de toutes leurs superstitions. Si l'on ôte à une religion son merveilleux, son « absurde », comme disent les savants qui le sont si rarement, cela n'est plus, dans l'histoire du monde, qu'une médiocre anecdote sociale : Jésus, sans auréole, apparaît tel qu'un mauvais charpentier, et la Vierge, comme une mère très ordinaire ; si Joseph, ainsi qu'en un poème de M. Aicard, tient de sordides discours touchant son métier,

Le cèdre du Liban se vend toujours plus cher,
Et mille autre propos sur la charpenterie,...

si le milieu donne l'impression d'une tribu de bédouins ignorants, toute cette histoire devient ennuyeuse et vulgaire. Ne vaut-il pas mieux la lire dans les missels historiés et sur les vitraux que sertissent les vieux plombs ?

Mais, poète plus encore que critique, M. Barlow, dresse sa tente entre la montagne et le marécage à mi-chemin, en un lieu d'où se voient également les cimes et les roseaux. Il prend l'histoire des origines chrétiennes telle que, fournie par la plus scrupuleuse exégèse, — et il la dramatise, substituant ainsi au merveilleux traditionnel un merveilleux logique et poétique, qui serait entièrement admissible, si une légende aussi connue pouvait souffrir d'aussi importantes modifications.

Entreprendre l'analyse de ce drame, important comme manifestation d'un talent haut et fier, mènerait loin, car le sujet prête à de perpétuels commentaires, mais en voici le dénouement, — ou plutôt les dénouements, car il y en a trois, l'un incorporé au texte, les deux autres donnés en appendice.

Judas a livré Jésus dont il est jaloux ; comme, après la scène du Calvaire, il avoue son amour à Marie-Madeleine ; celle-ci qui adore Jésus, poignarde le traître, puis se rend au sépulcre. Elle pousse la pierre, elle entre, elle soulève le linceul, elle découvre que le Seigneur n'est pas mort et, avec l'aide de Joseph d'Arimathie, elle l'emporte chez elle. Là Jésus revient à lui, — heureux de vivre ! — et témoigne un amour très tendre à Madeleine, qui prend la résolution de le garder pour elle seule, et d'annoncer aux disciples qu'il est monté au ciel. A cette nouvelle, Thomas s'en va vers le sépulcre, doutant qu'il soit vide, Jean affirme sa foi dans la résurrection prédite et Madeleine se dit à elle-même : « Il est sauvé, et le monde n'en saura jamais rien ! »

Ce premier dénouement semble à l'auteur « le plus original et le plus dramatique », mais les deux autres ne le sont pas moins. Voici le second : Marie-Madeleine, désespérée, se tue en disant (traduction littérale) :

Ne pouvant mourir pour lui, je veux mourir
Avec lui ; Jésus, reçois mon âme
Et laisse-moi, ignorante des joies terrestres,
Trouver une triomphante joie, une joie mettable,
Avec toi, mon Seigneur et Maître, là où tu es
Car où tu es, il fera bon pour moi
Séjourner avec toi, regardant comme jadis
Profondément en tes yeux où l'amour de Dieu
Brilla vraiment. Maître, je te suis !

(Elle prend le poignard — et se frappe).

Adieu, étoiles...

(Elle meurt).

Troisième version : elle va se tuer, quand Jésus lui apparaît et lui annonce qu'il va monter vers son père. Il a laissé son corps, il s'est spiritualisé. Ayant absous Madeleine de toutes ses fautes, il lui annonce que « type du péché et de la folie de la femme, elle sera dorénavant le modèle du suprême repentir », puis il disparaît donnant à l'amante inconsolée la certitude de le revoir, la haut « car la seule mort est le péché. »

Ainsi M. Barlow, selon son expression, introduit dans les récits évangéliques l'élément sexuel ; il humanise le divin.

Ce n'est pas tout à fait la première tentative de ce genre, mais c'est la première qui se fasse lire et qui se défende par sa forme artistique. Nous préférons les évangiles, même apocryphes, inventions ultérieures tendant à les expliquer. Reconnaissons cependant que la tragédie de M. Barlow, éloignée de toute banalité, est une œuvre d'un intérêt véritable, un drame d'une belle et large ordonnance, un poème très émouvant.

REMY DE GOURMONT.

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La Princesse des Ténèbres, par RACHILDE (Mercure de France).

Roman romantique et ténébreux, écrit avec talent, dans le goût retrouvé et. rénové des terribles histoires contées à nos grands-mères horrifiées par Anne Radcliffe, — mais plus simple, presque sans aventures, d'une imagination comme repliée, volontairement nonchalante, et recourbée sur soi, les épines — ou les griffes — en dedans.

A. TOURNIER. Pensées d'automne. Préface de Maurice Boukay. (P. Ollendorff )

Ce n'est, à vrai dire, qu'une réédition d'un charmant petit volume format diamant, que Renan lisait, comme il aimait à le répéter, « avec une vraie délectation », mais cette seconde édition prouve que la première est épuisée, introuvable, et quelle meilleure recommandation auprès du public ? La mode revient aux aphorismes. Ceux qui lisent vite et rien que d'un regard aussitôt porté ailleurs, recherchent ces écrins de pensées Celui que leur offre M. Tournier leur plaira certainement. Il comprend trois divisions : l'Amour et les Femmes, la Politique, Pensées diverses. L'auteur y fait preuve de cette habileté à saisir les états d'âmes et leurs nuances qui doit en notre temps être le trait distinctif du moraliste. « Tout moraliste est prêtre », dit-il. Soit. Les Pensées d'automne sont, dans ce cas, un subtil et suggestif bréviaire dont on marquera plus d'une page d'un signet.


9. « Revues indépendantes », 15 novembre, p. 392


REVUES INDEPENDANTES

Mercure de France. — Novembre — RÉMY DE GOURMONT, sous forme de conseils familiers à un jeune écrivain, flétrit l'état actuel de la presse avec ses vilenies, calomnies et ses appétits malfaisants :

Répandez sur tous vos camarades, tous vos confrères, tous les hommes de lettres en général, les calomnies les plus turpides et les anecdotes les plus honteuses. Tâchez de les atteindre dans leurs œuvres, dans leur famille, dans leur santé; insinuez le plagiat, le bagne, la syphilis; vous passerez pour un homme bien renseigné, spirituel, un peu mauvaise langue, et votre compagnie sera recherchée par les journalistes. — ce qui est toujours bon, car la célébrité, comme le tonnerre, est faite de petits échos multipliés qui ricochent et redondent les uns sur les autres.

Des vers signés, V. MARGUERITTE. E. DELBOUSQUET, etc.

Revue Blanche. — 15 Octobre. — L. MUHLFELD touche également à la décadence du journalisme. Sous forme d'aphorismes spirituels et mordants, il signale ses côtés faibles :

De très antiques confrères parlaient de sacerdoce. C'était trop dire : le journal n'avait point de dogmes à défendre ; mais il avait des principes. On savait, dans chaque maison, pour quelle cause on écrivait. Nous avons changé tout cela. Parlez de principes et de causes à qui vous voudrez de nos directeurs, il vous demandera de quelle province vous sortez.

Dans le numéro du 1er novembre, ARCHAG TCHOBANIAN parle de l'état désespéré des émigrés arméniens.

Art et la Vie. — Octobre. — Des pages de S. TRARIEUX sur W. Morris.