Alfred Jarry, par Félix Vallotton

1. Lettre à Alfred Vallette du 4 mars 1894, Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 1035

2. Lettre à Alfred Vallette du 27 mai 1894, Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 1036

3. « Le XIe monstre », Mercure de France, n° 60, décembre 1894, pp. 372-373 & Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 1010-1012

4. « Le Château Singulier », L'Idée moderne, n° 3 et 4, février 1895, pp. 58-59

5. Lettre à Max Elskamp du 16 avril 1895, Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 1041

6. « Chez la vieille dame », L'Amour en visites, Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 858-859

7. « Texte en relation avec L'Amour en visites : Inscription mise sur la grande histoire de la vieille dame », Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 905-906

Nota bene : Michel Arrivé signale l'existence de trois lettres inédites de Jarry à Gourmont :

Catalogue de la vente Gourmont, Giard-Legat-Andrieux, p. 37, n° 289. Trois longues lettres autographes signées, 1894, deux enveloppes jointes :

« Très curieuses lettres relatives à L'Ymagier et à un recueil d'images d'Epinal, préfacé par Remy de Gourmont et établi par Jarry, en collaboration avec Fargue. Nous avons sur cette collaboration une lettre fort amère extrêmement intéressante. Une autre est écrite par Jarry alors qu'il est détenu, avec une liberté relative, sa punition étant pour l'exemple. »

Inutile de préciser à l'heureux possesseur de ces lettres, s'il lit cette page, que le site des Amateurs de Remy de Gourmont s'empresserait de les publier.


3. « Le XIe monstre », Mercure de France, n° 60, décembre 1894, p. 372-373 & Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, textes établis, présentés et annotés par Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 1010-1012

LE XIe MONSTRE (1)

Onze petits monstres divers décapités d'azur sur le mur doré illuminent de tout leur émail : rampe. L'ermite aux pieds noirs et fourchus a enfoncé sa double croix à travers le joujou terrestre, et voici que trois oiseaux de nuit fleurissent la croix supérieure, mordant chacun l'une des clefs importantes rapportées par le cormoran des trous d'humidité froide, sternutatoires même aux mains. Sous son archet la sphérique contrebasse s'éveille en ces mots, luisant pareils sur l'image aux replis d'une vouivre languée de fleurs de lys : LA QUADRUPLE CONTRAINTE DE L'ENFER PAR LAQUELLE J'AI FORCÉ LES ESPRITS A M'APPORTER CE QUE JE DÉSIRAIS. — Et les onze masques bleus sont cloués étiquetés par chacune de leurs quatre oreilles, après qu'ils ont obéi.

Or, au miroir héraldique du premier monstre passant, la corde ombilicale du monochordion bêle pour la première fois, disant les ruisseaux et les herbes du chemin du Château Singulier, où sautillent les diamants aux ailes vertes du vert des gramens, mouture du sillage enchanté de la voiture. Ceux qui savent ouïr entendront que nulles murailles, nulles grilles, nulles barrières ne défendent les approches du château de granit lourd, mais l'effroi ininterrompu des douves noires, pareilles au carcan dont on a serré la tête d'un saint Jean-Baptiste couronné, avant de la déposer dans un plat vert.

L'œil clos du Château enferme l'image de la princesse Élade, que le commerce subtil des tendres lettres et des songes a dotée pour les visiteurs du désir, de la beauté des madones et des fées, sœur de cette statue de Diane, si asexuée ou ambisexuée, conte l'un des philosophes du Banquet, que le jeune Grec qui la vint violer dans son temple l'approcha à la manière des philopaèdes, avant de se jeter dans la mer. Étant destiné que rien ne sache polluer la madone, dévêtue par le sacrilège — « elle avait une robe mauve, elle en mit une amarante ».

— La plus prostituée est la plus libre et la plus belle, dit le septième monstre. — II y a deux sortes d'hommes, les hommes libres et les autres, interjeta le onzième. Laissons les autres, dit Orphée à la dérive et noyé au milieu des fleurs.

La lumière des pierreries du granit du château se fait brouillard, et le brouillard, léger comme l'âme de Vitalis, tissue de linge blanc lessivé par des sorcières, se résout en autre lumière. Voici le désert et le bruit lointain du tambour des sables.

La sphinge passa sous sa grêle et m'entr'ouvrit de sa patte de lion le livre. Et j'écoutai dans le désert celui qui allait parler. L'écuyer de la princesse avait une barbe blanche jusqu'aux genoux et un long tambour de buis sur sa barbe. Et il commença, et au lieu de la prose de son tambour germèrent les violons des anges et des fauves et les pleurs du sang et des fleurs rabattus par ses poings rythmiques :

Ô pourpiers de mon frère ! pourpiers d'or, fleurs d'Anhour !

Ut ré mi b mi b ré ré do..., hiéroglyphes évocatoires des orgues et des clercs par les déserts d'Egypte, rappel de la chapelle sans Dieu d'Élade, danseuses dans les ruines de Thèbes dont la danse meurt et ploie en plain-chant, soupir dernier de tambour..., mort du corps..., l'âme ascense :

Mon cœur, mon cœur s'élève, ah si haut qu'il s'envole.

(1) Le Château singulier et Hiéroglyphes, par Remy de Gourmont, éd. du Mercure de France.


7. « Texte en relation avec L'Amour en visites : Inscription mise sur la grande histoire de la vieille dame », Œuvres complètes d'Alfred Jarry, I, édition de Michel Arrivé, « Bibliothèque de la Pléiade », Gallimard, 1972, p. 905-906

INSCRIPTION MISE
SUR LA GRANDE HISTOIRE
DE LA VIEILLE DAME

Entrez ici, Béranger, Clésinger
Chevau-léger, général Boulanger
Jeune berger, primeur de mandoline
Tous convergez dessous ma discipline
Frais-ombragée aux touffes d'oranger.
Je me suis oint le blair de vaseline
Mais je ne suis pas une Messaline.

Et pour Clésinger
Ce Monsieur léger
Dit en mon langage
Héliobagage
En toute manière
Suis trop casernière.

Entrez, messieurs, le cas est sans danger.
Point trop âgée, assez pour l'astringer
Et le ranger aux vierges pascalines
Dont La Jeunesse et Fanny Zaessinger.
Plus de géline et d'amours chevalines
Et l'onanisme est fort désobligé.
On ferme les lupanars péagers...
Mais je ne suis pas une Messaline.

Fi de ces auteurs
D'Ouisburne lecteurs
Feuilleteurs d'histoires
Dans des monuments
Dits très justement
Propiticatoires.

Dans la braguette, hélas ! j'ai pris l'objet
Découragé de De Groux passager
Et de Remacle A dans une berline
Et j'ai logé, je baise et je câline
R. de Gourmont, dont je suis la cousine.
Je fus encline à Dumur ériger
Pour imager le texte de Pauline.
— Mais je ne suis pas une Messaline.

ENVOI RESPECTUEUX
À MADAME BERTHE DE COURRIÈRE

Vieux dromadaire, afin d'encourager
La Jeunesse à t'offrir sa javeline
Sache allonger la phynance adjugée
À l'overrier, qui vient pour vidanger.
L'overrier n'est pas une Messaline.


Alfred Jarry vu par Remy de Gourmont

L'Ymagier

Les Choses du temps

Alfred Jarry et Remy de Gourmont

Haldernablou

L'Etoile-Absinthe

Société des Amis d'Alfred Jarry

Alfred Jarry, par F.-A. Cazals.